Le 12 janvier 2015
Une œuvre rare, indispensable aux cinéphiles et aux curieux.
- Réalisateur : Edgar G. Ulmer
- Acteurs : Raymond Burr, Zachary Scott, Louis Hayward, Dennis Hoey, Diana Lynn, Edith Barrett, Sydney Greenstreet, Lucille Bremer, Martha Vickers
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Noir et blanc
- Nationalité : Américain
- Editeur vidéo : Sidonis Calysta
- Durée : 1h44mn
- Date télé : 15 août 2023 20:50
- Chaîne : Ciné+ Classic
- Titre original : Ruthless
- Date de sortie : 20 septembre 1950
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– Année de production : 1948
Résumé : En sauvant de la noyade son amie Martha, le jeune Horace Vendig bénéficie de faveurs de la famille aisée de celle-ci. Arraché à son milieu modeste, il navigue désormais dans les eaux troubles de la finance. Pour se bâtir une fortune, il se donne les moyens de ses ambitions. Opportuniste sans scrupules, il séduit et délaisse une femme pour une autre, trahit ses amis, multiplie les coups bas contre ses rivaux, manipule ses proches.
Critique : L’ impitoyable est l’un des rares films de Ulmer à avoir bénéficié de quelques moyens, même si on est loin des gros budgets de série A. On le voit aux décors, aux costumes, au soin apporté à la photo, remarquables, malgré les transparences et les toiles peintes voyantes. La distribution elle aussi comporte beaucoup de seconds couteaux, fussent-ils brillants, à l’instar d’un Sydney Greenstreet toujours exceptionnel. Mais ce qui fait du film un objet singulier, c’est le portrait sans concession d’un arriviste, froid, cynique, dont le passé est jonché de victimes. En ce sens, L’ impitoyable est une critique acerbe du capitalisme, qui, comme le remarque François Guérif dans un supplément, est on ne peut plus actuelle. Rares sont les œuvres de cette époque (1948) à traiter de manière aussi frontale l’envers du rêve américain en mettant en scène le monde de la finance qui, derrière des décors somptueux, cache une entreprise égoïste ne visant que l’intérêt personnel. Pas de rédemption ici, pas de regrets : Horace, joué par Zachary Scott avec tout le détachement et la froideur énigmatique voulus, reste jusqu’au bout fidèle à lui-même, incarnation du mal moderne que rien n’arrête. On pense évidemment à Citizen Kane, mais aussi à Bel-Ami, car cet ambitieux arrive d’abord par les femmes – les scènes de rupture, exemptes de sentimentalisme, sont d’une justesse et d’une cruauté confondantes.
- © 1948 Eagle Lion Films. Tous droits réservés.
Le scénario, dont la paternité est discutée dans les suppléments, ne manque ni d’audace ni de solidité : refusant toute explication basique, même si la piste quasi psychanalytique est exposée au début, avec les scènes d’enfance, il multiplie les personnages comme une constellation de victimes d’Horace et fait de ce portrait un puzzle que les flash-back échouent à rendre transparent. Pareillement, les multiples échos parsemés tout au long du film affermissent cette histoire complexe, proliférante. La présentation indirecte du début, l’instauration d’une fatalité interne sur laquelle les dialogues insistent, comme la « leçon morale » discrète ou les références bibliques, sont fortes, largement au-delà de nombres de films de cette époque… et de la nôtre.
Ulmer, qui a bâclé bien des longs-métrage de sa carrière, retrouve la vivacité de Détour dans des travellings brefs qui ne cessent de décadrer / recadrer ses personnages, les emprisonnant un peu plus dans des décors étouffants. Sa maîtrise s’incarne aussi dans quelques scènes, comme celle, magnifique, dans laquelle la femme du banquier interprétée par Sydney Greenstreet lui avoue sa répugnance : le couple devant un miroir, lui s’avançant dans un long couloir tandis qu’au premier plan un portrait d’elle reste visible, autant d’idées de pure mise en scène qui expliquent le culte que vouent certains cinéphiles à Ulmer. Mais, si l’on peut encore souligner le travail sur les ombres et les intérieurs, L’ Impitoyable n’est pas exempt de défauts : une musique insistante, des dialogues trop nombreux qui rendent certains passages particulièrement verbeux, la platitude de nombreux champs-contrechamps rendent le film très inégal. Passionnant, certes, indispensable à une vraie culture cinéphilique, mais inégal.
Le test DVD
Une belle édition pour découvrir ce film, intéressant à plus d’un titre.
Les suppléments
Trois entretiens avec les érudits habituels de la collection. Bertrand Tavernier, en 24 minutes, revient sur nombre d’aspects du film (la photo, les acteurs, la carrière d’Ulmer, le scénario, la mise en scène) avec son encyclopédisme sans faille et sa passion. Patrick Brion s’attache à démêler le vrai du faux dans les dires du réalisateur (11 mn). Enfin François Guérif loue la dimension sociale et « gauchiste » de L’ impitoyable (20 mn). Ces trois monologues se complètent malgré de légères redondances et apportent un éclairage chaleureux et intelligent. Enfin une galerie photo met en valeur la richesse visuelle de l’œuvre.
L’image :
Bertrand Tavernier parle des copies infâmes qui ont circulé jusqu’ici. Alors, certes, celle qui est présentée dans le DVD respecte le travail formel du chef opérateur. Néanmoins, de fréquents parasites et un manque de stabilité, plus rare heureusement, gâchent quelque peu notre plaisir.
Le son :
La piste en VO sous-titrée et Dolby Digital 2.0 mono est exempte de souffle et offre un son clair sinon limpide, qui met suffisamment en valeur le jeu des comédiens.
– Sortie DVD : l6 janvier 2015
Galerie photos
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