Rivke ou Tamara ?
Le 13 juillet 2012
Un des étonnants films yiddish d’Edgar Ulmer, auquel la cinémathèque consacre une vaste rétrospective.
- Réalisateur : Edgar G. Ulmer
- Acteurs : Moyshe Oysher, Miriam Riselle, Florence Weiss, Anna Appel, Ben-Zvi Baratoff, Luba Wesoly, Herschel Bernardi
- Genre : Comédie musicale
- Nationalité : Américain, yiddish
- Durée : 1h47mn (à l'origine 1h57mn)
L'a vu
Veut le voir
Un des étonnants films yiddish d’Edgar Ulmer, auquel la cinémathèque consacre une vaste rétrospective.
L’argument : Rien ne semble pouvoir décider Yankel le forgeron à prendre épouse : chanter, danser et boire constituent la profession de foi de ce bon vivant et incorrigible séducteur.
- Yankl der Schmid (Ulmer 1938)
Notre avis : Entre 1937 et 1939, Edgar Ulmer tourna, loin d’Hollywood, une série de films ethniques destinés à un public spécifique : noirs (Moon over Harlem), immigrés ukrainiens (Natalka Poltavka et Zaporozehts za dunayem, alias Cossacks in exile) ou juifs originaires d’Europe Centrale. Ce dernier ensemble, le plus consistant, comporte quatre titres : Grine Felder, Yankel der Schmid (The singing blacksmith), Di klyatshe (The light ahead) et Amerikaner shadchen (American matchmaker).
Produit, comme la plupart des autres films de la série, par la Collective Film Producers Inc., Yankel der Schmid (Yankel le forgeron) est tiré d’une célèbre pièce en langue yiddish de David Pinski, crée en 1906, dont l’action se passe dans un shtetl d’Europe orientale reconstitué assez sommairement, pour les besoins du tournage, à Newton, New Jersey, sur un terrain appartenant à un monastère catholique.
L’auteur lui-même a transformé la pièce en comédie musicale destinée avant tout à mettre en valeur les fabuleux dons vocaux de Moishe Oysher, héritier d’une dynastie de cantors de synagogue originaire de Bessarabie et grande star radiophonique.
- Yankl der Schmid (Ulmer 1938)
Celui-ci y interprète de manière superlative et parfois acrobatique (par exemple en croquant des cacahuètes) quelques superbes numéros chantés mais s’y révèle aussi acteur à la forte présence, plein d’humour, de charme malicieux et de vivacité.
Autour de lui une troupe aguerrie fait revivre avec une verve communicative les figures stéréotypées mais toujours savoureuses du folklore yiddish. Un relief particulier étant évidemment accordé aux deux inévitables shadchen (marieurs) rivaux et à Rivke, la tentatrice finalement éconduite, délicieusement jouée par Florence Weiss, épouse d’Oysher à la ville.
Mais, observés par Ulmer, les portraits dépassent la caricature pour acquérir vigueur et humanité (voir comment le personnage de la douce Tamara échappe à toute mièvrerie). Et la bonne humeur qui imprègne l’ensemble est comme rongée par un fond de tristesse.
- Yankl der Schmid (Ulmer 1938)
De même, si la couleur locale et le sentimentalisme règnent évidemment en maîtres, ces conventions, qu’Ulmer accepte sans chercher à les pervertir, et la pauvreté des moyens mis en oeuvre ne sont pas pour lui une entrave. Chez ce cinéaste capable de s’adapter à toutes les situations modestie n’est pas synonyme de médiocrité. Ses films fascinent parce qu’ils remplissent parfaitement le contrat de départ tout en offrant un regard troublant sur leurs conditions mêmes de réalisation.
Une étonnante sensibilité atmosphérique leur permet de dépasser le théâtre filmé dont il joue franchement le jeu par ailleurs et un sens de la composition visuelle, digne des grands maîtres du muet, fait pressentir le poids d’un drame latent dans ce qui ressemble par moments à d’étranges tableaux vivants.
Moins réputé que les autres films de la série, ce forgeron ne dépare pourtant pas la riche filmographie d’un cinéaste secret qu’une rétrospective complète à la Cinémathèque permet d’explorer du 4 juillet au 5 août 2012.
Galerie photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.