Sortir un matin, et se sentir observé. Surprendre des sourires au coin des rues, des connivences. Se couler, par inertie et incrédulité, dans ce rôle de celui qu’on voit, qu’on reconnaît, qu’on adule. Devenir célèbre. Sans rien faire, là n’est pas la question. Il ne faut pas tout mélanger. La célébrité est une fin en soi, un phénomène isolé, un processus parfait. C’est cette idole que devient le narrateur du dernier roman de Serge Joncour. Projeté sur le devant de la scène, dans une renommée qui ne repose sur rien. D’abord on s’en étonne. Tous ces regard, ces poignées de mains (il y a des intrépides), ces questions, ces photos. Puis on s’en agace en même temps qu’on commence à croire à cette gloire. Tout est possible, tout est facile et on s’habitue si vite au podium !

Joncour tente ici une mise à nu des processus de starification. La gloire ne se mérite plus, elle se catapulte. Nul besoin d’avoir écrit, chanté ou joué la comédie, il suffit d’être reconnu dans la rue, à l’image de ces seconds couteaux de la presse people dont on partage l’intimité à l’instant même où on en entend parler. La célébrité n’est plus la logique d’un cheminement, elle se fabrique, se modèle, s’oriente, et bien sûr, se défait au rythme du désamour public.

Une plongée dans les eaux troubles du star-system qui s’inscrit résolument dans l’air du temps, et c’est peut-être là que le bât blesse. Joncour nous avait habitué à une indépendance littéraire qui faisait de chacun de ses romans une surprise, un événement, jamais le même mais toujours pimenté de ce je-ne-sais-quoi qui donnait une unité à l’œuvre, une signature. Ici, le récit semble avoir dérapé dans un trop plein de succès facile. Les pages se tournent, sans ennui, mais sans espérances, juste cette petite rancœur, d’avoir été trahi par l’idole.