Le 29 janvier 2023
Un faux film policier qui pose un regard attendri sur un personnage magnifique.
- Réalisateur : Bertrand Tavernier
- Acteurs : Jean Rochefort, Philippe Noiret, Christine Pascal, Julien Bertheau, Jacques Denis, Andrée Tainsy, Liza Braconnier , William Sabatier, Paul Mercey, Monique Chaumette, Yves Afonso, Jacques Hilling, Cécile Vassort, Janine Berdin, René Morard
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Distributeur : Tamasa Distribution , Compagnie Française de Distribution Cinématographique (CFDC)
- Durée : 1h45mn
- Date télé : 22 juin 2024 21:00
- Chaîne : OCS Géants
- Reprise: 15 février 2023
- Box-office : 986 521 entrées France
- Date de sortie : 16 janvier 1974
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Résumé : Abandonné par sa femme, Michel Descombes, horloger à Lyon, élève seul son fils, Bernard. Un jour, la police vient faire une perquisition à son domicile. Surpris, le père apprend que son fils est en fuite avec sa compagne car il a tué un des gardiens d’une usine. Michel se rend alors à l’évidence, il ne connaît pas vraiment Bernard. Lorsque ce dernier se fait arrêter, Mr Descombes met tout en œuvre pour créer une véritable relation avec lui.
Critique : Premier long-métrage de Tavernier, L’horloger de Saint-Paul est une adaptation très sobre d’un roman de Simenon, dont l’action est transposée à Lyon, ville chère au réalisateur. Noiret y incarne majestueusement un artisan centré sur son petit monde, des amis avec qui il mange dès le début du film, et son travail, minutieux, minutieux comme le scénario qui délaisse la partie policière, le meurtre, la traque de son fils, l’enquête et même le jugement pour s’attacher à l’humain. Que ce soit le rapport père-fils ou les relations entre le commissaire et l’horloger, les scénaristes (Tavernier lui-même et deux vieux briscards, Bost et Aurenche, autrefois vilipendés par Truffaut) privilégient les temps morts, souvent autour d’une table, ou en promenade (on mange et on marche beaucoup), pendant lesquels peuvent s’échanger des propos qui frisent l’anecdotique. Et c’est là que les dialogues fonctionnent magnifiquement, excluant quasiment le mot d’auteur pour se centrer sur des petites phrases ou des non-dits ; les caractères se révèlent aussi dans les silences, et nombre d’entrevues muettes sont chargées d’une belle densité dramatique : la première entrevue du père et du fils dans l’aéroport ou le regard échangé entre Madeleine et l’horloger au tribunal.
- © Tamasa Distribution
Tavernier multiplie les travellings avant vers ses personnages comme pour mieux pénétrer l’esprit de ces êtres modestes, qu’ils soient des protagonistes ou des apparitions, guettant le petit mouvement qui révèle, le tic qui trahit. Et il faut dire que la puissance de jeu des comédiens fait beaucoup pour la réussite du film : Rochefort en policier compatissant est le pendant idéal d’un Noiret prodigieux, qui se tire de silences pesants comme d’une anecdote racontée longuement en prison. Il sait mener en toute retenue ce parcours d’un homme que l’acte de son fils brise et qui, en même temps, se découvre père dans l’adversité : la contre-plongée qui l’isole au moment du témoignage indique assez que ses paroles de solidarité le grandissent et qu’il peut assumer par procuration un meurtre inexplicable. Alors, flânant de nouveau, il sourit, ayant enfin conquis le rôle de parent dont il avait été dépossédé. Le début du film le montre souvent en position d’infériorité : il dit merci à tout le monde, et on l’avertit des événements sans qu’il soit jamais présent au bon endroit. Même l’avocat le fait asseoir sur un siège plus bas, humiliation dont il se vengera en refusant son scénario de « crime passionnel ». Au fond, l’horloger prend conscience qu’il a raté quelque chose et que son existence paisible et ronronnante repose sur des habitudes qui cachent un grand vide ; remplir peu à peu ce vide, prendre en main l’affaire malgré le policier et l’avocat, ne pas être dessaisi de ce drame, c’est ce qu’accomplit le personnage en quelques séquences.
- © Tamasa Distribution
Le rythme du film est lent, presque nonchalant et permet de mettre en valeur l’autre vedette, c’est à dire la ville de Lyon ; les promenades sont évidemment des anti cartes postales : Tavernier préfère les ruelles, les petites échoppes, le bord du fleuve, comme un documentaire immortalisant une cité presque personnelle dans une époque singulière. L’époque, c’est aussi incidemment des commentaires datés (de Guy Lux à Lipp) et une teneur politique dont une partie a mal vieilli. Heureusement elle occupe peu de place dans ce drame à hauteur d’homme, centré sur les visages. Il sourd de l’ensemble une mélancolie tendre ou plutôt une douce tristesse, que Noiret magnifie dans des moments de solitude ; dans de menus détails comme dans des phrases presque saugrenues (« je vous aime bien », répète le commissaire à l’horloger), Tavernier dépeint en petites touches la « recherche de l’homme nu » dont parlait Simenon, cette quête de l’intime et du profond, révélé par une crise, un désarroi nouveau. Et peut-être que la morale est donnée par le fils, au parloir : « Finalement, on n’entend qui ce qui nous intéresse ».
- © Tamasa Distribution
– Reprise en version restaurée : 15 février 2023
– Prix Louis Delluc 1973
- © Tamasa Distribution
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