Le 4 mars 2018
Un noir tragique de toute beauté, redoutablement efficace.
- Réalisateur : Edward Dmytryk
- Acteurs : Adolphe Menjou, Marie Windsor, Arthur Franz, Frank Faylen, Gerald Mohr
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Thriller, Noir et blanc
- Nationalité : Américain
- Editeur vidéo : Sidonis Calysta
- Durée : 1h28mn
- Titre original : The Sniper
- Date de sortie : 4 février 1953
L'a vu
Veut le voir
– Sortie DVD : le 3 mars 2018
Résumé : Depuis toujours, Eddie Miller, chauffeur-livreur à San Francisco, est rejeté par les femmes qu’il rencontre. Solitaire, en proie à de violentes pulsions qu’il a du mal à réprimer, il tue des femmes au hasard avec un fusil à lunette. La police n’arrive pas à comprendre la manière de procéder ni les mobiles du tueur. C’est un psychologue qui va les aider et leur faire comprendre que leur proie est un homme malade.
Notre avis : The sniper (le titre original est plus expressif que la traduction approximative) marquait le retour de Dmytryk aux USA après une peine de prison pour communisme et un exil en Angleterre. En revenant au noir, il s’appuyait sur un scénario fort pour suivre un psychopathe dans les rues accidentées de San Francisco, un homme banal, invisible – et remarquablement incarné par Arthur Franz -, un quidam dont le nom, Eddie Miller, n’a pas plus de connotations féroces que son apparence physique. Sans doute est-ce l’une des nouveautés du film que ce regard humain porté sur un tueur de femmes présenté dès le début comme très perturbé : tenté par le meurtre, il vise sans tirer puis se brûle la main sur une plaque électrique. Mais The sniper ne fait pas qu’étudier un cas, il affiche à partir du carton initial une ambition sociale et politique, portée essentiellement par un psychiatre véritable voix de la conscience. Si ce personnage est positif, les autres en prennent pour leur grade : Harry Brown, le scénariste, tire en effet à boulets rouges sur les institutions (police, maire, hôpitaux) comme sur les médias, sans épargner une foule portée sur le voyeurisme. La séquence qui rassemble les délinquants sexuels est à cet égard un modèle de dénonciation moqueuse dans laquelle les policiers sont aussi pitoyables que les suspects. Il faut ajouter que l’argent est omniprésent, entre salaires miséreux et manque de crédits : là encore, la charge est féroce, puisque Eddie Miller aurait dû être hospitalisé, et empêché de tuer mais renvoyé chez lui faute de place. On peut certes sourire de la vision caricaturale d’une psychiatrie infaillible, mais le trait satirique fait mouche et trouve un large écho contemporain. D’autant qu’à rebours de multiples œuvres de cette époque, The sniper évite la causalité psychanalytique univoque : si des détails (une gifle aperçue) ou une remarque presque incidente suggèrent une mère indifférente et violente, Dmytryk et ses scénaristes n’en tirent pas de conclusion lénifiante.
Mais le film ne repose pas sur une vision sociale : il reste un noir efficace, tendu, que la musique de George Antheil amplifie encore. Dmytryk y multiplie les trouvailles ; certaines séquences sont magistrales, comme le tir contre le peintre sur la cheminée, le lancer de balles dans la fête foraine ou la fin, surprenante et émouvante. Mais c’est aussi dans les détails que se cache la force du métrage ; ainsi de ces scènes répétées dans lesquelles Miller est écarté ou rejeté : il gêne le passage, ne peut jouer avec des enfants au base-ball, se fait rabrouer par une femme dans un bar… Inadapté, seul, il erre dans une ville hostile dont les escaliers interminables ou les rues en pente représentent aisément les méandres d’un esprit torturé. Même des motifs plus infimes, comme la sueur, contribuent à un portrait complexe et plus fin qu’il n’y paraît.
C’est que dans cette œuvre soignée où les rôles secondaires ont leur importance (les victimes, la logeuse et son chat, la cheffe), Dmytryk excelle à mener de front le parcours du tueur et l’enquête dirigée par un Adolphe Menjou désabusé (un certain… Kafka !). Le rythme impeccable, la photo brillante et les rares éclats de violence surprenants participent de cette belle réussite sombre et discrètement tragique.
Les suppléments :
Outre la bande-annonce, le DVD propose pas moins de quatre commentaires (Bertrand Tavernier, 25mn, Olivier Père, 30mn, François Guérif, 8mn30 et Patrick Brion, 9mn) qui dissèquent le film sous des aspects divers (le scénario, la mise en scène, la « gradation » des meurtres). Il est dommage tout de même que de nombreuses redites gâchent un peu notre plaisir ; néanmoins, on apprendra beaucoup sur ce que tous considèrent comme le meilleur métrage de Dmytryk.
L’image :
Malgré quelques infimes scories, la copie respecte la beauté du noir et blanc et ses contrastes. Si, dans les extérieurs, le grain est parfois épais, l’image est en général lisse et propre.
Le son :
Certes, le son manque de finesse mais, vu l’âge du film, les dialogues et la musique sont confortablement audibles et la présence d’un léger souffle intermittent n’est en rien une gêne.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.