Littérature francophone
Le 26 octobre 2018
Une description des turpitudes de la petite planète enseignante et du misérabilisme des rapports humains, d’une plume fataliste et alambiquée.

- Auteur : Christophe Dufossé
- Editeur : Denoël
- Date de sortie : 11 mars 2004

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Résumé : Dans ce premier roman qui met en scène un professeur de français solitaire travaillant dans un collège de province, l’auteur décrit les turpitudes de la petite planète enseignante et le misérabilisme des rapports humains d’une plume fataliste et alambiquée.
Notre avis : Après avoir enseigné l’histoire géographie durant quelques mois à une classe de quatrième, Eric Capadis, un jeune stagiaire, se suicide en se jetant par la fenêtre de sa classe. Le proviseur demande alors à Pierre Hoffman, professeur de français, d’assurer son remplacement jusqu’à la fin de l’année scolaire. Peu importe la spécialisation. L’essentiel est que cette classe un peu particulière soit confiée à un enseignant capable de ne pas être déstabilisé.
Dès le premier face à face, Hoffman s’aperçoit que ses élèves sont attentifs, peu bavards, étonnament soudés et solidaires. Curieusement, ses collègues se taisent lorsqu’il est question de cette classe, préférant les conversations insipides durant les récréations. Le proviseur lui-même semble étrangement disposé à l’égard de ces élèves de quatrième.
D’inquiétants coups de téléphone anonymes ne vont pas tarder à perturber le quotidien de ce professeur, dont la vie est réglée comme du papier à musique. Après l’enterrement d’Eric Capadis, une adolescente profite d’un instant où Hoffman se trouve seul pour le mettre en garde et lui conseiller de se méfier de ses élèves. Elle reviendra en cours quelques jours plus tard, le visage tailladé au cutter...
Si l’on se fie à Christophe Dufossé, on pourrait croire que le milieu enseignant n’est constitué que de personnes mal dans leur peau, confrontées à des petites misères insurmontables menant fatalement à la dépression. Au travail, leurs discussions se résument à de plates banalités concernant les élèves. En dehors du collège, on évoque les tourments personnels, les petites angoisses et le délabrement psychologique. De telles généralités dressent un tableau affligeant du corps professoral. On préfère penser qu’il s’agit d’un parti-pris narratif.
Le décor du roman est pesant. Le temps semble figé, les paysages sont tristes, l’atmosphère est lourde. La misanthropie affichée du narrateur assombrit cette grisaille, que ce soit dans les rapports humains ou dans son quotidien de vieux célibataire. On ne s’immerge pas sans mal dans cette lecture. L’ambiance est contagieuse et le style très ciselé frôle parfois les limites de la préciosité.
On reprochera à Christophe Dufossé une mauvaise construction des dialogues. Une esquisse d’explication est amorcée à ce sujet dans les dernières pages du roman, comme si l’auteur prenait brusquement conscience qu’un adolescent n’utilise pas le même registre de langue qu’un professeur d’université. Trop tard. Les conversations sonnent faux, en décalage total avec le langage des cours de récréation.
Le narrateur cherche tout au long du récit à percer le mystère lié à sa classe. Il fait planer des doutes, lance des pistes. Pourtant, la fin du roman est décevante. Après avoir attendu en vain que quelque chose se produise, tout se précipite de manière imprévue, comme s’il fallait à tout prix boucler ce récit en lui donnant une dimension rationnelle. L’issue est grossière et facile. Reste un regrettable sentiment d’inachevé.
Christophe Dufossé, L’heure de la sortie, Denoël, 2002, 342 pages, 19 €