Politique - La chronique BD

Mazen Kerbaj est un dessinateur originaire de Beyrouth, peintre et trompettiste, cultivé par envie et engagé pour la paix, et il tente de trouver une remède satirique à tous les problèmes qui l’entoure dans ce Proche-Orient qui semble toujours plongé dans le chaos, mais qui n’en oublie pas pour autant de toujours vivre avec passion et déraison. Ainsi, ces différentes caricatures présentées dans un roman graphique permet de dresser un portrait à la fois drôle et pessimiste d’une société qui alterne entre la corruption décadente et l’espoir permanent. Bien sûr, les généraux et hommes politiques qui sont croqués sont intéressants d’un point de vue critique, mais les vraies stars, ce sont les matrones libanaises qui discutent en terrasse de leurs soucis, évoquant les défauts de la bonne sri-lankaise exploitée allègrement, où les grands donneurs de leçon de rue ou d’internet qui n’ont pas mis un pied sur les terrains accidentés de la guerre ou de l’immigration. Ce regard pointu et pourtant très précis car simple à représenter, c’est la force de cet auteur.

Mazen Kerbaj / Actes Sud BD - ARTE Editions

Cette précision, ce coup de crayon est évidemment celui d’un caricaturiste, qui sait saisir l’actualité pour mieux la reproduire avec ironie, et quand il touche du doigt les faiblesses de la société il sait aussi modifier son trait. Par exemple, l’alcool ou les bombardements impliquent des déformations des personnages, ou lorsqu’un personnage en forme d’auto-portait de la main gauche évoque l’amputation d’un dessinateur pour avoir effectué seulement son travail. Cette mise à distance d’un dessin parfait n’empêche pas le style d’éclore tranquillement au fil des pages, et de devenir familier, voire agréable (même si les thèmes empêchent de laisser apparaître les fleurs et les visages sereins...).

Mazen Kerbaj / Actes Sud BD - ARTE Editions

Tantôt finement acerbe, tantôt légèrement philosophe, le ton de Mazen Kerbaj n’est comme son dessin ni strictement régulier ni politiquement correct, mais cache un parfum non pas exotique, mais bel et bien dans l’actualité la plus franche de notre monde contemporain, et donc pas seulement du Proche-Orient.