Si ce n’est toi, c’est donc ton double
Le 7 avril 2013
Cet admirable conte fantastique tourné en extérieurs annonce Nosferatu. Une nouvelle version restaurée lui rend toute sa splendeur et tout son pouvoir de suggestion.
- Réalisateur : Stellan Rye
- Acteurs : Hanns Heinz Ewers, Lyda Salmonova, Paul Wegener, Grete Berger, John Gottowt (Isidor Gesang), Lothar Körner, Fritz Weidemann
- Genre : Fantastique
- Nationalité : Allemand
- Durée : 1h 23 mn
- Titre original : Der Student von Prag
- Plus d'informations : http://www.arte.tv/de/der-student-v...
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– Première publique : 22.08.1913, Berlin (Mozartsaal)
– Production : Deutsche Bioscop GmbH (Berlin)
– Tournage à Prague (Chateau Belvedere, Hradschin, Daliborka, ruelle des Alchimistes), au Palais Fürstenberg et en studio à Berlin.
– version restaurée par le Filmmuseum München diffusée sur Arte le16 avril 2013
Cet admirable conte fantastique tourné en extérieurs annonce Nosferatu. Une nouvelle version restaurée lui rend toute sa splendeur et tout son pouvoir de suggestion.
L’argument :
Prague 1820. Balduin, étudiant sans le sou, vend l’image de son reflet dans un miroir à l’énigmatique usurier Scapinelli pour la somme de 100 000 florins. Il vit dès lors dans l’insouciance et séduit bientôt la belle comtesse Margit. Mais lorsque le fiancé de cette dernière, le baron Waldis-Schwarzenberg a vent de cette idylle, il provoque Balduin en duel. Balduin promet à Margit et à son père d’épargner son rival. Mais c’est finalement son double qui se bat et qui tue le baron. Dès lors Balduin perd ses amis et l’amour de Margit. L’ultime confrontation avec sa propre image est inéluctable.
Notre avis : Cette production de la Deutsche Bioscop GmbH qui affiche de hautes ambitions littéraires et fait appel à de grands noms du théâtre participe du mouvement qui, aux alentours de 1910, s’appliquait à donner ses lettres de noblesse au cinéma, art essentiellement forain dans ses débuts.
- Der Student von Prag (1913)
Le film connut un grand succès international et fut réédité dans les années 20. Il est considéré comme un des premiers grands classiques du cinéma allemand mais son attribution reste un peu problématique, les dictionnaires ayant généralement retenu comme metteur en scène le danois Stellan Rye (1880-1914), coauteur du scénario et présent sur le tournage, mais semble-t-il en tant qu’assistant à la mise en scène. L’acteur (et futur cinéaste) Paul Wegener a également collaboré à l’écriture du scénario et sa contribution n’est certainement pas négligeable.
Le principal auteur du film semble bien être néanmoins l’écrivain Hanns Heinz Ewers (1871-1943), dandy aux talents multiples qui s’était construit un personnage médiatique entouré d’un halo de scandale. Auteur de nouvelles fantastiques et du roman Alraune (Mandragore), publié en 1911, il s’était intéressé tôt aux capacités du cinéma à rendre visible ce qui échappe au discours rationnel.
- Der Student von Prag (1913)
Variation sur le thème du double aux résonances forcément psychanalytiques en ce début de vingtième siècle, reprenant le motif éprouvé du pacte diabolique qui s’avère immanquablement un marché de dupes, s’inspirant du Peter Schlemihl de Chamisso (l’ombre étant remplacée ici par le reflet) tout comme des contes d’E. T. A . Hoffmann, cet Etudiant de Prague s’inscrit en effet dans une tradition de romantisme noir sur fond d’époque Biedermaier, où l’étrange et le grotesque s’insinuent subrepticement dans une normalité cessant vite d’être rassurante.
Tourné en grand partie en extérieurs diurnes dans des décors pragois très suggestifs (magnifiques ambiances de petit matin captées par l’admirable photo de Guido Seber) le film annonce le cinéma expressionniste mais plutôt sur le versant de Nosferatu que sur celui de Caligari ou de De l’aube à minuit.
- Der Student von Prag (1913)
Les trucages sont assez rudimentaires (réutilisation de la même pellicule) mais d’autant plus efficaces et troublants. Le travail sur la composition du cadre témoigne d’une recherche d’ordre pictural poussée (l’arc de cercle de la voute au dessus d’un immense escalier qui occupe tout l’écran et sur lequel avance le personnage minuscule) qui sait installer une inquiétante étrangeté.
Les interprètes, parfois un peu gauches (et visiblement trop âgés pour leurs rôles dans le cas de Wegener et de Grete Berger) jouent sans emphase, avec une espèce de neutralité voulue.
- Der Student von Prag (1913)
Recourant par moments à de légers panoramiques mais laissant les acteurs s’approcher de la caméra plutôt que l’inverse (la comtesse lorsqu’elle monte l’escalier et se retrouve soudain en très gros plan) le film, comme la plupart de ceux de cette période où le langage cinématographique n’est pas encore figé dans ses codes de représentation ménage beaucoup de jeu à l’attention du spectateur mais cette légère impression de flottement, de réel capté en bloc, sans véritable sélection ou direction du regard, cette respiration des plans participe de la magie d’une imagerie romantique prenant vie ici avec une force brute de nature documentaire.
- Der Student von Prag (1913)
Les deux remakes sont réputés inférieurs à la première version. Le premier, en 1926, réunit pourtant les talents du cinéaste Henrik Galeen et des grands acteurs expressionnistes Conrad Veidt et Werner Krauss. Le second, en 1935, ceux d’Arthur Robinson, autre grand nom de l’expressionnisme cinématographique (Le montreur d’ombres), et d’Adolph Wohlbrück (alias Anton Walbrook).
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