L’étrange incident - William A. Wellman - critique

Notre avis : Ce western s’avère totalement atypique par son propos et sa résonance. Un groupe d’hommes rustres, en l’absence du shérif, est prêt à se faire justice, vite constitué en milice, quand l’un deux est prétendument assassiné. Ils n’en ont même pas la preuve. Les trois premiers venus, étrangers à la ville, feront l’affaire.
Le film dénonce la capacité des individus à faire n’importe quoi face à un drame, quand ils se sentent légitimés par une prétendue majorité. Seuls quelques uns vont tenter de s’opposer au lynchage souhaité par le groupe : un commerçant âgé et sage (Harry Davenport), un croyant un peu illuminé (Leigh Whipper). Carter et Crofts y viendront aussi, mais non sans hésiter à se démarquer de la milice. De plus, les supposés meurtriers, qui vont être rattrapés, ne sont pas très clairs dans leur défense : le chef (Dana Andrews) s’embrouille dans ses explications et peine à convaincre qu’il a acheté et non volé le bétail. Ses deux employés ne sont guère plus convaincants : le Mexicain (Anthony Quinn) s’avère être un repris de justice et le vieil homme (Francis Ford), très confus, s’enferme dans le silence.
Tous les ingrédients sont en place pour mener vers l’inéluctable.
Le cinéaste concentre son récit en soixante-quinze minutes, dans une ambiance inhabituelle : les personnages sont globalement antipathiques, il n’y a pas de héros. Le rôle de Henry Fonda est significatif à cet égard : son personnage s’avère susceptible, cherche facilement la bagarre et il est vexé de ne pas avoir retrouvé sa fiancée (Mary Beth Hughes), celle-ci s’étant dépêchée de se marier avec un bellâtre de San Francisco.
L’étrange incident, au propos désenchanté, est un western unique, dérangeant et précurseur. A (re) découvrir.