Le 2 janvier 2023
Une comédie populaire réussie et toujours amusante.
- Réalisateur : Édouard Molinaro
- Acteurs : Lino Ventura, Nino Castelnuovo, Caroline Cellier, Liza Braconnier , Jean-Pierre Darras, Pierre Forget, Jacques Brel, André Valardy
- Genre : Comédie, Thriller
- Nationalité : Français, Italien
- Distributeur : Carlotta Films, Compagnie Commerciale Française Cinématographique (CCFC)
- Durée : 1h30mn
- Date télé : 24 novembre 2024 22:50
- Chaîne : Paris Première
- Reprise: 26 juillet 2017
- Box-office : 3 354 756 entrées
- Date de sortie : 20 septembre 1973
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Résumé : Ralph Milan, tueur à gages, débarque à Montpellier avec un contrat : éliminer Louis Randoni, dont le témoignage pourrait être accablant lors du procès d’une organisation criminelle. Ralph s’installe dans un hôtel face au Palais de justice et attend l’arrivée du témoin, armé d’un fusil à lunette. C’est à ce moment que, dans la chambre voisine, François Pignon, représentant en chemises cocu et déprimé, décide d’en finir avec l’existence et s’apprête à se pendre…
Critique : Adapté d’une pièce de Francis Veber, Le contrat, interprété par deux vedettes qui venaient de triompher dans L’aventure c’est l’aventure, réalisé par un prince du box-office (Oscar, Hibernatus, Mon oncle Benjamin, déjà avec Brel), L’emmerdeur avait tout pour faire un carton, d’autant qu’il a bénéficié d’un excellent bouche à oreille et, de fait, dépassa les trois millions d’entrées. Mais plus de quarante ans après, que reste-t-il de ce « buddy movie » à l’ancienne, première apparition d’un François Pignon appelé à une grande carrière et de multiples incarnations ? Bonne nouvelle, le film tient la route, et demeure un excellent divertissement, croisement réussi de film noir et de burlesque.
- © 1973 Les Films Ariane, Mondex Films. Tous droits réservés.
Le film noir, sérieux, c’est par là que tout commence : une voiture mal garée, une explosion qui ne tue pas la bonne personne, un tueur tué. Quelques minutes suffisent à installer une ambiance sèche qui tient aussi à de menus détails (la femme qui embrasse son compagnon, le notaire qui s’impatiente…) : on n’oubliera pas que Molinaro avait à son actif des films policiers, dont La mort de Belle, jolie adaptation méconnue de Simenon. À y regarder de près, ce début est également programmatique : le meurtre (raté) et la bévue vont en effet former le cœur de la comédie à venir.
Puis le cinéaste prend le temps de camper les deux héros en montage alterné : Milan (Ventura), dur silencieux qui en impose par le regard (la scène du bar, qui permet à Molinaro de faire une apparition), conducteur impavide qui ne prend pas d’auto-stoppeur, et Pignon (Brel), déjà aux prises avec les objets, qu’ils fonctionnent mal (les essuie-glaces, comme plus tard le néon) ou qu’ils soient ridicules (la figurine à l’avant). Lui, évidemment, avide de rencontres, prend l’auto-stoppeur. Belle exposition qui valorise des opposés, non seulement par le jeu et l’environnement, mais aussi par la musique, dramatique pour l’un, guillerette et ancienne pour l’autre.
Puis les choses sérieuses, c’est à dire drôles, commencent : logés dans le même hôtel et dans des chambre contiguës, ils poursuivent un but qui pourrait être dramatique (assassiner, se suicider) mais dont l’enchevêtrement va provoquer des catastrophes en série et d’intensité croissante. L’interférence bavarde de Pignon et ses maladresses mettent à mal le contrat, ce que l’heure régulièrement annoncée nous rappelle. Les passages les plus nombreux se situent dans les deux chambres, origine théâtrale oblige, mais ce sont aussi les plus réussis : la gestion de l’espace, les portes qui claquent, les travellings à la poursuite des personnages, fonctionnent mieux que les aérations plus gauches (la séquence dans la clinique correspond à une légère baisse de régime). Mais quel plaisir de revoir Brel jouant les abrutis inconscients de l’être ! Quelques-unes de ses répliques (« c’est émouvant, vous ne trouvez pas ? », « j’aime bien parler avec vous ») sont d’autant plus amusantes qu’elles se heurtent au visage de plus en plus exaspéré de Ventura, de moins en moins marmoréen.
- © 1973 Les Films Ariane, Mondex Films. Tous droits réservés.
Pignon apparaît comme un parasite sincère qui contamine et détruit à la mode burlesque tout ce qu’il touche ; en ce sens, le film est une matrice explicite de La chèvre ou du Dîner de cons. Là comme ici, c’est sur le contraste que repose l’humour avec, disons-le, une certaine efficacité. D’autant que l’intrigue est ramassée, ce qui évite dispersion et chute trop grave de rythme ; la conclusion est, dans le même ordre, inattendue mais hilarante, et signe la poursuite du chemin de croix. On ne se défait jamais d’un Pignon…
Les comédiens sont remarquables dans un registre opposé, mais Molinaro ne démérite pas : le film est soigné, parsemé de clins d’œil : ainsi, quand Milan va à la poste, une affiche questionne : « Êtes-vous assurés sur la vie ? ». Quant au comportement de Brel dans la voiture de Ventura, on jurerait que Coluche s’en est inspiré pour son sketch L’auto-stoppeur. Il faut dire que le réalisateur s’appuie sur une mécanique scénaristique implacable, d’une précision diabolique : pas (ou presque) de gras, un enchaînement très maîtrisé de péripéties qui ont leur logique, bref une efficacité réelle et encore appréciable.
- © 1973 Les Films Ariane, Mondex Films. Tous droits réservés.
On se réjouit donc de revoir cette comédie pure, sincère, que le temps a agréablement patinée. Les jeunes générations se demanderont sans doute ce que signifie la phrase du garçon d’étage (« Pour le rasoir électrique, c’est du 220 »), ils trouveront voitures et téléphones vieillots mais, on l’espère, jubileront devant l’ineffable Pignon et ses « Monsieur Milan » d’anthologie.
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