L’Attrape-rêves - la critique du film

Notre avis : Ce n’est pas un portrait de femme qui est ici dressé, mais celui d’un couple : celui d’une mère et d’un enfant, duo mythique dont les mythologies, la littérature et le cinéma se sont emparées depuis des siècles pour inventer et raconter d’incroyables histoires. La plupart d’entre elles sont douloureuses, comme L’Attrape-rêves, le troisième long-métrage de Claudia Llosa.
Une forme toute particulière d’incompréhension est le sang qui fait battre les tempes de ce film. Nana (Jennifer Connelly) est une mère célibataire courageuse, mais désemparée. Désemparée car son fils aîné, Ivan, en manque de repères paternels, lui tient tête. Inquiète car son fils cadet, Gully, est très malade. Ne sachant plus que faire, elle se réfugie dans la spiritualité et la méditation tandis qu’Ivan s’enferme dans sa passion pour les oiseaux, symbole de liberté par excellence. De cette dualité naissent les premiers conflits, les blessures intérieures précoces d’une enfance compliquée qui ne se referment pas… même vingt ans plus tard.

© José Haro

L’histoire est construite sur deux temporalités : l’enfance d’Ivan, où l’on découvre ses relations houleuses avec sa mère, et sa vie d’adulte. Une vie bien rangée, bouleversée par l’arrivée d’une journaliste française, Jania (Mélanie Laurent), qui lui propose de retrouver sa mère, devenue guérisseuse de renom.
Ce double récit instaure, dès la première demi-heure du film, une tension palpable entre tous les personnages qui ne retombera qu’au dénouement final ; tension que la mise en scène de Claudia Llosa entretient également tout au long de l’intrigue : la caméra à l’épaule suit les personnages dans presque toutes leurs actions, tente de saisir chacun de leurs mouvements, chacune de leurs émotions. Ainsi la réalisatrice, tout comme le spectateur, semble marcher aux côtés de ses personnages. Un dispositif visuellement éprouvant et cependant très beau, qui contraste magnifiquement avec les superbes paysages enneigés du grand nord canadien.

© Allen Fraser Cry Fly Manitoba Inc

Extraordinairement physique et incroyablement mentale, l’intrigue ne se borne pas seulement à raconter les aventures d’Ivan se noyant littéralement dans ses souvenirs d’enfance alors que les retrouvailles avec sa mère se font de plus en plus proches. Elle se fait aussi conte philosophique, voyage initiatique. Ivan cherche l’homme qu’il est, tente de se libérer de ses démons et en veut toujours à sa mère sans reconnaître que cette dernière souffre autant que lui du lourd secret qui les hante tous les deux ; secret dont Jania, voix de sagesse et de raison, tente de les aider à se libérer.
Portrait de femmes et d’enfants d’une grande puissance émotionnelle, tendant moins au pathos larmoyant qu’à la réalité tragique des émotions, L’Attrape-rêves est une jolie boule de neige cinématographique, un vent glacé de liberté, une très belle fable sur le deuil et le pardon.