Le sens de la vie
Le 22 juin 2009
Bouleversant, l’Ours d’Or 2009 dégage une émotion vivace, stupéfiante d’authenticité.
- Réalisateur : Claudia Llosa
- Acteurs : Lucía Sánchez, Magaly Solier, Efraín Solís, Marino Bollon, Antolín Prieto
- Genre : Drame
- Nationalité : Espagnol, Péruvien
- Date de sortie : 17 juin 2009
– Durée : 1h33mn
– Titre original : La Teta Asustada
– Photos
Bouleversant, l’Ours d’Or de Berlin 2009 dégage une émotion vivace, stupéfiante d’authenticité.
L’argument : Fausta est atteinte d’un mal étrange, transmis par ce qu’on nomme au Pérou "le lait de la douleur". Elle vit en effet dans la peur, une peur qui a été transmise par sa mère, victime d’un viol. A la mort de sa mère, Fausta devra affronter ses peurs pour pouvoir renaître...
- © Jour2fête
Notre avis : Difficile de déterminer si la jeune femme qui se cache derrière cette frange épaisse est jolie. Ses traits sont réguliers, mais jamais un sourire, pas même une fossette n’arrive à faire pétiller ses grands yeux en amande. Fausta est victime du syndrome du « Lait de la douleur » : sa mère a été violée pendant qu’elle l’attendait. Meurtrie pour toujours et apeurée, la maman a transmis son angoisse à sa fille en l’allaitant. Fausta, perpétuellement craintive, ne peut être heureuse, se déplacer seule, parler à des hommes. Au-delà de l’histoire de Fausta, Claudia Llosa nous raconte l’histoire de son pays, le Pérou, marqué par des années de guerre au cours desquelles les femmes ont été les victimes cachées et silencieuses. Le présent est le temps de la reconstruction et du cheminement vers le pardon, mais le processus est long et douloureux.
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Evoquant la guerre dans Le coupable, Georges Bataille en parle ainsi : « Tout a lieu dans une pénombre ardente ; subtilement privée de sens ». Trouver un sens est bien le but de l’existence de Fausta : pourquoi est-elle continuellement rongée par la tristesse ? Quelle nécessité la pousse à s’introduire une pomme de terre dans le vagin ? Pour se protéger de qui ? De quoi ? Elle n’a pas connu la guerre et pourtant elle en est bien une victime. Le malaise de la jeune femme s’exprime par son mutisme ; le long métrage est d’ailleurs construit presque entièrement sans musique. Mais les moments où Fausta communique le plus avec le monde extérieur sont lorsqu’elle chante les paroles d’un air apprécié de sa mère. La solution à son malheur se situe peut-être bien dans les variations (désen)chantées... Aussi Fausta cherche-t-elle à se rattacher à l’infime espoir que représente un travail chez une concertiste de renom. Néanmoins, on ne sait jamais si elle renonce à vivre ou si, justement, la souffrance lui pèse et si elle cherche à s’en débarrasser. Divisée entre son désir de « normalité » et son chagrin, son existence est un combat de tous les jours. La caméra de Claudia Llosa la suit, toujours distante, la laisse libre de sortir du champ pour mieux y revenir, imperceptiblement différente de l’instant précédent.
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Le narrateur du récit de Bataille conclut sa réflexion en expliquant que la sérénité et la jouissance de la vie ne peuvent être atteintes que si la prise de conscience du mal est acquise. Fausta poursuit avidement ce chemin. Son entourage et sa prise de liberté progressive lui font comprendre que la guerre qui a détruit sa mère fait partie de l’Histoire et surtout de son histoire. Mais, elle, en tant que femme, peut tirer sa force et son énergie de cette déchirure. On ne peut être qu’admiratifs devant la troublante interprétation de l’interprète principale, Magaly Solier, dont le visage impassible et les gestes maladroits contribuent grandement à la force émotionnelle de Fausta. La vie prend sens et se construit peu à peu ; la douleur y a sa place, à l’instar des autres émotions, celles qui nous submergent, nous, spectateurs, face à une œuvre aussi sensiblement authentique.
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Norman06 1er août 2009
Fausta - La critique
Ce récit d’une névrose insolite séduit par son style néoréaliste et sa critique sociale mais n’échappe pas aux tics d’un certain cinéma contemporain : la pose et le minimalisme psychologique. En dépit de bonnes intentions, cela méritait-il l’Ours d’or au Festival de Berlin ?