L’assassinat du duc de Guise - la critique

L’argument : Le film relate un épisode historique célèbre, la journée du 23 décembre 1588, au cours de laquelle Henri Ier de Lorraine, duc de Guise, rival du roi Henri III, est convoqué par ce dernier à Blois, plongeant dans un chagrin sans fond la marquise de Noirmoutier, sa maîtresse. Il est poignardé à mort par les gardes du corps royaux au château de Blois.

Notre avis : L’assassinat du duc de Guise est emblématique du courant du Film d’art, créé par la société du même nom, productrice, mais aussi encouragé par la firme Pathé. Présenté le 17 novembre 1908, salle Charras à Paris, le film connut un accueil triomphal. S’inscrivant contre les pantomimes burlesques et le caractère forain du cinéma, incarné par Georges Méliès, le Film d’art souhaitait illustrer des faits historiques, s’entourer d’écrivains renommés et d’acteurs de théâtre célèbres. Le scénario a ainsi été confié à l’auteur dramatique Henri Lavedan et les personnages sont incarnés par de vénérables sociétaires de la Comédie-Française. Charles Le Bargy, également coréalisateur, joue le rôle de Henri III et est entouré de piliers de la troupe dont Gabrielle Robinne (la marquise de Noirmoutier), Berthe Bovy (le page), ou bien encore les époux Huguette et Raphaël Duflos. Leur allure, raide et altière, contraste avec les gesticulations d’acteurs que le public était habitué à voir à l’écran. Pour ajouter encore du prestige, une musique originale avait été commandée à Camille Saint-Saëns. Premier film historique de l’histoire du cinéma, L’assassinat du duc de Guise inaugure donc un nouveau genre tout en étant influencé par une esthétique de la scène, les costumes d’époque et des décors soignés s’inscrivant dans ce dispositif. Le film a forcément vieilli, de par le caractère statique de ses plans fixes, qu’il convient de placer dans le contexte technique de l’époque. Mais il surprend par la volonté d’instaurer une véritable dramaturgie dans l’art cinématographique. La tension qui précède le meurtre, ainsi que les coups de poignards des dernières minutes, peuvent alors être considérés comme précurseurs du film d’action. Courant d’art populaire pour les uns, prétention élitiste pour les autres, le Film d’art peut également être perçu comme l’ancêtre des productions culturelles pour grand public, de Cyrano de Bergerac à La Reine Margot.