La vie moderne
Le 22 janvier 2021
Après les films de Sandrine Bonnaire et Raymond Depardon, voici le troisième grand documentaire français de l’année. Initiation professionnelle et sociale, le récit oscille entre reportage et fiction.


- Réalisateur : Samuel Collardey
- Acteurs : Paul Barbier, Mathieu Bulle
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Distributeur : TFM Distribution
- Durée : 1h25mn
- Date de sortie : 3 décembre 2008
- Festival : Festival de Venise 2008
Résumé : Mathieu, 15 ans, élève dans un lycée agricole, est apprenti en alternance dans la ferme de Paul, une petite exploitation laitière des plateaux du Haut-Doubs. Outre l’apprentissage des méthodes de travail de Paul, Mathieu doit s’intégrer à la vie de la famille, prendre ses marques, trouver sa place. Autour des gestes du travail, des liens se tissent avec Paul. Il apprend à son contact ce qui ne s’apprend pas dans une salle de classe. Car c’est aussi un père absent que Paul remplace...
Critique : Ce documentaire est le premier long métrage de Samuel Collardey, qui s’était déjà penché sur le monde rural avec un court, Du soleil en hiver, sorti en 2005. D’aucuns ne manqueront pas d’établir le parallèle avec La Vie moderne, dans son souci d’authenticité, sa volonté de capter une paysannerie en voie de déculturation et sa profonde bienveillance envers les êtres filmés. Mais la démarche se différencie de celle de Depardon par une ébauche de scénario fictionnel. Si l’on suit l’année scolaire de Mathieu (son apprentissage agricole, ses cours en BEP), ainsi que sa vie familiale et amicale, la frontière entre reportage, reconstitution et improvisation est parfois volontairement floue : les reproches de l’agricultrice ou de la mère sont-ils feints ou réels ? Les embrassades fougueuses avec la petite amie sont-elles captées à vif ou constituent-elles une pose devant la caméra ? On sait depuis Flaherty qui filmait Nanouk l’Esquimau pêchant dans une situation anachronique que le documentaire est par nature « documenteur », comme dirait Agnès Varda. Mais ici, le procédé est radical, à l’instar du dispositif au cœur de Je veux voir, dans lequel Catherine Deneuve écarquille de grands yeux face aux paysages dévastés de Beyrouth.
- © TFM Distribution
Mais c’est surtout le portrait touchant d’un adolescent qui constitue la qualité de L’Apprenti. La banalité même de ses rituels (corvée des visites au père divorcé, piscine avec les potes, fête foraine...) est dépeinte avec une poignante humanité, qui n’est pas sans évoquer Elle s’appelle Sabine, de Sandrine Bonnaire. On appréciera les rapports ambigus entre Mathieu et Paul, ce dernier se cherchant un fils de substitution depuis la mort d’un enfant : l’ombre des Dardenne n’est pas loin, par cette volonté d’ancrer des non-dits psychologiques dans un contexte social. La portée ethnologique de l’œuvre se retrouve ainsi au second plan, même si le mode de vie du maître de stage et de sa famille est révélateur d’une paysannerie à la fois traditionnelle et en mouvement. Voici donc un ouvrage faussement mineur, qui n’a pas volé son prix de la « Semaine de la critique » à la Mostra de Venise et le Prix Louis Delluc de la révélation.
- © TFM Distribution
– Festival de Venise 2008 : Doc/It Award Special Mention - International Critics’ Week Award
– Prix Louis Delluc 2008 : Meilleur premier film
– Étoiles d’Or 2009 : Meilleur premier film
- © TFM Distribution
roger w 28 mars 2012
L’apprenti - La critique
L’apprenti est effectivement un bien beau documentaire, ou bien documenteur. Peu importe finalement que certains passages soient joués pour la caméra, puisque l’émotion simple qui affleure est tout bonnement exceptionnelle. Q’une part de fiction vienne éclairer une réalité quotidienne n’est pas pour me déranger. Si le film a souvent été comparé aux travaux de Depardon, on devrait plutôt le rapprocher des oeuvres des frères Dardenne. Dans tous les cas, L’apprenti fait preuve d’un sens inné du cinéma-vérité, atteignant dans ce domaine une certaine forme de perfection.