Something in the air...
Le 9 mars 2012
Une plongée fantasmatique jusqu’au plus profond d’un labyrinthe d’images sans âge, qui absorbe le spectateur dans une "expérience" dans tous les sens du terme. A découvrir ou redécouvrir aujourd’hui et pour la première fois en DVD.
- Réalisateur : Patrick Bokanowski
- Genre : Expérimental
- Nationalité : Français
- Editeur vidéo : British Animation Awards
- Durée : 1h10mn
- Date de sortie : 4 avril 1984
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur DVD
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Une plongée fantasmatique jusqu’au plus profond d’un labyrinthe d’images sans âge, qui absorbe le spectateur dans une "expérience" dans tous les sens du terme. A découvrir ou redécouvrir aujourd’hui et pour la première fois en DVD.
Notre avis : Le visage dissimulé derrière un masque, un homme fend l’air de son sabre. Il frappe une poupée, suspendue au bout d’un fil dans le coin d’une pièce - hors de tout lieu et de tout temps. Sur l’écran, l’action se répète, s’analyse, se décompose jusqu’à épuisement. Dans un éclat d’images brutes, irradiées, nous montons un escalier qui nous mène à un autre tableau, où se révèlent de la même manière de purs fragments d’action, dont la matière semble hésiter entre le cinématographique et le pictural. Patrick Bokanowski ouvre ici les portes d’un labyrinthe qui s’explore plus qu’il ne se raconte ; si L’ange évoque tour à tour l’huile laiteuse de Vermeer, les échafaudages kafkaïens ou les édifices paradoxaux d’Escher, ces impressions s’inscrivent à titre de simples réminiscences dans ce qu’il faut qualifier au sens propre d’univers de l’artiste : un système cosmologique où les visions se croisent et où les perspectives répondent à des logiques alternatives, qui défient la convention de notre propre regard. Ce travail est « expérimental » au sens littéral du terme : les protocoles filmiques éprouvent l’élasticité des conditions a priori de la sensibilité, espace et temps. Pourtant, dans le même temps, L’ange, par la richesse de ses signifiants directement figuratifs, explore une tout autre dimension, fantasmatique celle-là. Déformation des contenus perceptifs et psychiques : l’oeuvre semble se situer du côté de l’hallucination aussi bien que du rêve.
Ce que semble réhabiliter Bokanowski, c’est avant tout la possibilité d’un cinéma qui soit le lieu d’une interprétation aussi bien que d’un vécu et d’un ressenti purs : le spectateur-rêveur, qui abandonne toute espérance en entrant dans ce qui apparaît le plus souvent comme un cauchemar régi par une mécanique obsessionnelle, est en même temps appelé à donner sa propre signification au rébus qu’on lui présente, sans lui faire perdre de sa profondeur. Pour une fois, il est heureux de voir un film échapper aux codifications du genre, aux prétentions de la citation ou du détournement, de tenter de construire son espace au travers de moyens plastiques inédits. La musique de Michèle Bokanowski vient sublimer le montage en en soulignant le caractère tour à tour burlesque ou fantastique, et en posant comme en surimpression sur le film un nouveau rythme, celui des objets sonores de cette partition concrète. On réchappe de L’ange comme d’un songe enveloppant et moelleux, qui emporte avec lui tout le système perceptif ; paradoxalement, jamais film dénué d’une « trame » au sens traditionnel du terme n’aura tissé avec plus de précision son unité et sa cohérence internes, confortant le mot d’esprit du facétieux Jonas Mekas : « Ce n’est pas moi qui fais du cinéma expérimental, mais eux qui font du cinéma commercial, et moi qui fais du cinéma ». Dans cette incroyable Grand Oeuvre alchimique, nous pourrions bien avoir recueilli le plus précieux des substrats.
– Lire l’entretien avec Patrick Bokanowski
Le DVD
Au-delà de la simple édition de ce film, qui constitue déjà par elle-même un événement, le DVD est le fruit d’un travail sobre et efficace, qui met en valeur toute la richesse de L’ange.
Les suppléments
Nets et précis, deux compléments principaux (une interview de la femme du réalisateur et compositrice Michèle Bokanowski, et un making-of de 24 minutes) viennent nourrir la compréhension du film de manière intelligente et efficace. Pour ajouter de la matière à la rêverie, le DVD nous offre aussi quelques planches, entr’aperçus de séquences rêvées sur le papier...
Image
Pour un film qui, en-dehors de ses projections en salle, n’a connu le plus souvent que des diffusions tardives à la télévision, c’est un bonheur de découvrir l’image DVD. Assurément, le passage au numérique ne restitue pas toute la finesse granuleuse de la pellicule, mais rendons déjà à l’expérimental ce qui appartient à l’expérimental...
Son
Une remasterisation correcte, qui fait dans l’ensemble honneur à la bande-son très riche et détaillée de Michèle Bokanowski.
Galerie photos
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