Amants terribles
Le 19 septembre 2010
Une délirante scène de ménage qui hypnotise par un sens du burlesuqe froid et distancié et par une surprenante inventivité formelle.
- Réalisateur : Kohei Oguri
- Acteurs : Ittoku Kishibe, Keiko Matsuzaka, Takenori Matsumura
- Genre : Drame
- Nationalité : Japonais
- Plus d'informations : http://www.oguri.info/movie/shinotoge/
- Festival : Rétrospective Oguri à la MCJP, Festival de Cannes 1990
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– Durée : 1h55mn
– Titre original : 死の棘 - Shi no toge
Une délirante scène de ménage qui hypnotise par un sens du burlesque froid et distancié et par une surprenante inventivité formelle.
L’argument : Une femme est atteinte de troubles mentaux après qu’elle a appris que son mari l’avait trompée. Rongé par le remords, celui-ci abandonne toute vie sociale et se consacre à la guérison de son épouse. Le film le plus connu de Kôhei Oguri. Grand Prix au festival de Cannes 1990.
Notre avis : Le troisième film de Kôhei Oguri est adapté de Shi no toge (1960), un roman à caractère autobiographique dans lequel Toshio Shimao (島尾 敏雄 ,1917-1986) décrit la vie de couple difficile d’un écrivain et de sa femme atteinte de troubles mentaux.
Réalisé dans le cadre de la Shôchiku, une des plus grosses sociétés de production japonaises, L’aiguillon de la mort est pourtant un objet filmique qui affiche sa totale singularité dès les plans d’ouverture lorsque se taisent les accords de la musique inquiétante de Toshio Hosokawa pour laisser place à un silence irréel ponctué du bruit d’une goutte d’eau et au dialogue presque murmuré, mais de plus en plus tendu, d’un homme et d’une femme qui d’abord ne se regardent pas.
Le ton feutré auquel ils s’astreignent n’est qu’une inutile précaution qui, censée contenir la violence prête d’éclater à tout moment, ne cessera au contraire d’en provoquer le surgissement, donnant lieu à des scènes de ménages étonnamment théâtralisées et aux retournements toujours inattendus.
© 1990, Shôchiku Co., Ltd.
© 1990, Shôchiku Co., Ltd.
Un véritable suspens s’installe, le spectateur étant toujours surpris des formes que prennent ces affrontements et par leur déroulement imprévisible. Ces scènes, commandées par une logique de la surenchère froide, sont réellement étranges et se maintiennent dans le registre d’un burlesque qui ne libère jamais totalement le rire. On citera par exemple celle où, sur le chemin de la maison, le mari excédé pousse un hurlement immédiatement repris par un des gamins interrompus dans leur partie de foot, ou cette autre où mari et femme se livrent à un chantage à la pneumonie en se déshabillant, lui d’abord, elle ensuite, dans la chambre glacée.
Le spectateur est happé par le côté ludique et discrètement jubilatoire que prend le jeu infernal auquel se livrent ces deux personnages indissolublement attachés l’un à l’autre et qui, brisant les règles sociales, déconcerte les autres (parents, voisins ou passants interdits) dont les réactions sont toujours décalées (et souvent fort drôles).
Quant aux enfants du couple, ils observent les enfantillages de leurs parents avec un sérieux d’adultes préoccupés mais impuissants. Cette inversion des rôles familiaux contribue à l’étrangeté prenante du film.
© 1990, Shôchiku Co., Ltd.
© 1990, Shôchiku Co., Ltd.
Les performances des acteurs sont impressionnantes, mais l’envoûtement provoqué par L’aiguillon de la mort repose surtout sur des partis pris esthétiques très affirmés : lumières irréelles, couleurs raréfiées (mais relevées de quelques taches vives), silences obsédants, décors de studio stylisés (le jardin à l’abandon) cédant la place peu à peu à de vastes extérieurs.
Car si la première partie enferme le plus souvent les personnages entre quatre murs, ne leur concédant que quelques stupéfiantes échappées oniriques, ce film, d’abord si sombre et étouffant, s’ouvre peu à peu à la nature hivernale et adopte une respiration plus ample. Il s’achève même, après la promesse d’une île ensoleillée et et d’une nuit d’un bleu profond, sur un plan étonnamment serein du couple apaisé face à la caméra.
Chef d’oeuvre éblouissant et presque intimidant, Shi no toge - L’aiguillon de la mort est l’aboutissement d’un parcours esthétique. Après ce point d’orgue, Oguri prendra une direction nouvelle, annoncée dans ces dernières scènes. Le magnifique Nemuru otoko - L’homme qui dort, réalisé cinq ans plus tard, sera le fruit de cette évolution.
© 1990, Shôchiku Co., Ltd.
© 1990, Shôchiku Co., Ltd.
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