L’Africain - Philippe de Broca - critique

Critique : Cette production Claude Berri, qui y a mis les moyens, est pilotée par Philippe de Broca, le roi du divertissement des années 60-70. Le réalisateur tente ici une sorte d’Indiana Jones à la française. Ce long métrage lorgne aussi sur L’Odyssée de l’African Queen de John Huston. Mais le metteur en scène n’a pas le talent de son collègue américain : la région des Grands Lacs est filmée comme une carte postale avec des tigres, des éléphants, de la brousse et des soleils couchants idoines ; les clichés néo-colonialistes abondent : les Noirs sont essentialisés, toujours de bonne humeur, globalement spontanés, parfois maladroits, poussant volontiers la chansonnette, soumis à l’épicurien Victor qui a refait sa vie avec Eugénie, une autochtone. Hélas, son ex-femme débarque, bourgeoise bien mise, car elle a le projet de construire un club de vacances, tandis que le quinquagénaire barbu doit aussi affronter le braconnage de quelques forbans locaux. L’un d’eux, Aristote Poulakis, est un traître de carnaval (Jean Benguigui patauge dans un rôle à accent peu crédible).
Bien sûr, les ex-compagnons se jetteront quelques reproches à la figure, pour accréditer leur appartenance aux grands duos mixtes de la mythologie cinématographique. Mais il semble bien que le jeu caricatural de Deneuve et Noiret soit inversement proportionnel à leur conviction d’incarner un binôme valable, servi par un grand film romanesque.
Certes, il y aura des péripéties plutôt attendues avec un accident de voiture, la traversée d’un fleuve, la rencontre des pygmées dans "la zone interdite, aux portes de l’Enfer", dixit Poulakis. Au terme de leurs aventures communes, les deux Européens se seront rapprochés. Mais s’est-on, un instant, attaché à leur histoire de Blancs dominateurs à la rencontre de l’exotisme ?