Vivement jeudi prochain
Le 29 juin 2005
A cheval entre science-fiction et thriller, un roman d’une magistrale loufoquerie qui traverse le miroir et nous fait entrer de plain-pied dans les livres.
- Auteur : Jasper Fforde
- Editeur : Editions 10-18
- Genre : Thriller, Roman & fiction
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Les voyages se font en zeppelin. L’animal de compagnie le plus répandu est le dodo cloné. On n’a pas inventé l’ordinateur. La guerre de Crimée s’éternise depuis cent trente ans, entraînant sporadiquement de sanglants affrontements entre la Russie tsariste et la Grande-Bretagne. Cette dernière est sous la coupe d’une organisation type "World company“ répondant au doux nom de Goliath, alors que le Pays de Galles a fait sécession, gagné par un socialisme aussi pur que dur. Quel est ce temps auquel fait référence Jasper Fforde dans son premier roman ? Réponse : très exactement 1985. Donc un an après 1984. Vous suivez ? Et ceci n’est qu’une mise en bouche, destinée à vous brosser à grands traits cette époque dans laquelle démarre une histoire dont l’héroïne et narratrice se nomme Thursday Next. Cette sympathique jeune femme qui n’a pas froid aux yeux gagne sa croûte en tant qu’agent du prestigieux service des opérations spéciales, section littérature, où elle traque les faux, contrefaçons, pastiches et autres trahisons impardonnables des œuvres de Shakespeare, Milton, Wordsworth, etc. Car en ce 1985-là, où les ballons de foot ne servent qu’à réparer les déchirures spatio-temporelles, la grande affaire qui passionne les Anglais dans leur ensemble, et pour laquelle ils s’écharpent volontiers, se nomme "littérature".
Le roman a peut-être un peu de mal à démarrer mais on pardonnera volontiers à son auteur qui est parti pour une série au long cours [1], d’autant qu’une fois dans le vif du sujet, il y nage à son aise et nous mène par le bout du nez. Dans un contexte complètement foldingue, le grand méchant Achéron Hadès (appréciez le nom !), doué de pouvoirs supranaturels, kidnappe sur manuscrit des héros d’œuvres emblématiques, dans lesquelles il provoque des dégâts irréversibles. La coupe est pleine lorsqu’après avoir eu en ligne de mire un personnage du Martin Chuzzlewit de Dickens, il fond tel un rapace sur Jane Eyre en personne, prêt à la zigouiller pour la beauté du geste. L’affrontement aura lieu dans les pages mêmes du roman de Charlotte Brontë.
L’ombre tutélaire de Lewis Carrol accompagne avec bienveillance ce thriller abracadabrant dont l’érudition déjantée n’est pas sans rappeler celle des Monty Pythons. Bien sûr, un zeste de culture anglo-saxonne ne fait pas de mal si on veut apprécier tous les jokes, sous-entendus et références hilarantes qui sont à ramasser à la pelle. Mais même sans cela, l’activation des zygomatiques est assurée par un feu d’artifice de trouvailles d’une magistrale loufoquerie. Et Jasper Fforde sait si bien nous parler de littérature, tout en nous perdant entre réalité et fiction, entre passé, présent et avenir, qu’on en redemande. Ça tombe bien, le second volume de la série vient d’être traduit [2]. Le temps de le déguster, espérons avec autant de plaisir, et on revient vous en parler.
Jasper Fforde, L’affaire Jane Eyre (The Eyre affair, traduit de l’anglais par Roxane Azimi), éd. 10/18, coll. "Domaine étranger", 2005, 410 pages, 9,30 €
[1] Déjà trois volumes parus en anglais et une série en voie de devenir culte dans les pays anglo-saxons
[2] Délivrez-moi, éd. Fleuve Noir
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