Le 4 juin 2016
Une pépite méconnue, à découvrir dans une édition optimale.
- Réalisateur : Maurice Tourneur
- Acteurs : Pierre Larquey, Raymond Aimos, Line Noro, Alexandre Rignault, Paul Ollivier, Marthe Mellot, Berval, Milly Mathis, Ghislaine Bru, Tino Rossi
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Français
- Distributeur : Mondial Films
- Editeur vidéo : Pathé Vidéo
- Durée : 1h35mn
- Date télé : 29 mai 2024 23:14
- Chaîne : Ciné+ Classic
- Date de sortie : 5 avril 1935
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Résumé : Justin est un bandit au grand cœur : il protège les faibles et cela lui vaut d’être respecté et apprécié par une grande majorité de personnes du milieu. La seule ombre au tableau de Justin est Esposito, sombre personnage à la tête d’une bande de dangereux criminels.
Critique : On ne cesse de redécouvrir le travail de Maurice Tourneur, au fil des rééditions qui révèlent un cinéaste attachant et souvent novateur. Justin de Marseille fait partie des œuvres à voir impérativement pour se faire une idée de sa maîtrise : la mise en scène est constamment inventive ; son goût du travelling précis, des plongées ou de l’ellipse font du film un modèle d’efficacité et de nervosité. On pourrait citer, à la manière de Bertrand Tavernier dans les bonus, de nombreuses séquences qui tirent le meilleur parti d’un montage millimétré : le faux enterrement, le meurtre d’ Esposito entre autres, sont de exemples d’un art d’autant plus raffiné qu’il reste discret.
Soutenu par un scénario très structuré signé Carlo Rim (futur réalisateur de l’excellente Armoire volante), Tourneur excelle à faire exister un petit monde pittoresque, avec les figures inoubliables du « Bègue » ou du « Fada », à les faire s’entrecroiser en un ballet toujours utile à la narration ; leur présence fait continuellement rebondir l’action et la précipite vers une issue attendue. Certes, tout n’est pas de la meilleure eau : les dialogues sont parfois forcés (la dernière réplique de Justin, au lyrisme convenu, a mal vieilli et les faux proverbes marseillais ne sonnent pas toujours juste) ; l’interprétation, en général moderne dans sa sobriété, n’est pas non plus sans défauts : si Berval ou Larquey sont constamment dans la retenue là où il eût été facile de cabotiner, la mièvrerie de l’oie blanche jouée par Ghislaine Bru (« Totone ») détonne autant qu’elle agace.
Le film s’articule autour de deux histoires qui finissent par se rejoindre : la rivalité entre Justin et Esposito pour régner sur la pègre et la tentative de Silvio, l’apprenti maquereau, de prostituer Totone. La belle séquence du suicide raté permet de lier ces deux fils, donnant lieu à une inversion : Silvio voulait entraîner la jeune fille à l’hôtel alors qu’elle parlait des étoiles ; à la fin, devant cet hôtel symbole de perdition, c’est Justin qui lui montre le ciel. C’est d’ailleurs l’art de Tourneur et Rim de jouer des échos pour rythmer et structurer cette histoire ; ainsi les plans de Marseille servent-ils de pauses qui ouvrent sur autant de nouveaux chapitres, pauses esthétiques, mais servent aussi à créer une ambiance singulière, que des plans sur le petit peuple au travail renforcent.
Malgré la référence explicite à Scarface, on est loin d’une noire tragédie ; Tourneur s’ingénie à placer des moments comiques, la plupart du temps au détriment de policiers inefficaces. On trouve néanmoins des traces en mode mineur des conventions tragiques : le Fada dans le rôle du destin, la présence constante d’un chœur, que ce soit les acolytes ou la troupe d’enfants qui chante, qui agit comme un commentaire permanent de l’action. Rim a atténué ces éléments, d’autant que la fin exagérément optimiste ruine cette interprétation. Malgré tout, ce film attachant à la mise en scène audacieuse et inventive mérite plus qu’une compassion patrimoniale : nerveux, efficace, il dépasse les stéréotypes du film de gangsters par sa maîtrise et une utilisation remarquable du détail.
Les suppléments
Trois suppléments passionnants, menés avec virtuosité par Bertrand Tavernier : on commence par une réflexion sur la carrière de Tourneur ; en 33 minutes, entre analyses, anecdotes, rapprochements et informations, de nombreux aspects en sont évoqués. On apprendra beaucoup, notamment sur la période hollywoodienne muette, mais aussi sur le style, avec une prédilection pour le montage, la lumière et le décor. Tavernier présente ensuite le film (16 minutes). Là encore c’est un régal : outre d’utiles précisions sur le scénariste et le chef opérateur, on sera séduit par des analyses d’extraits. Enfin, Philippe Meyer, dans une conversation détendue, se révèle fin connaisseur de l’histoire marseillaise (13 minutes).
L’image
Un carton initial prévient des défauts de la copie ; il est vrai qu’elle est inégale : quelques plans flous, au grain épais, mais l’ensemble est plutôt bien nettoyé, sans parasites, et de nombreuses séquences sont remarquables, mettant en valeur le beau travail sur le noir et blanc.
Le son
Si la plupart des dialogues sont parfaitement compréhensibles, la musique présente des saturations gênantes. Dans l’ensemble, le son est assez étriqué et sans relief ; mais compte tenu de l’âge du film, la restauration a tiré le maximum d’un matériel abîmé.
– Sortie Blu-ray : 1er juin 2016
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