Le 28 août 2015
Un Maigret étonnant qui cache sous un rythme allègre et des dialogues amusants une vraie noirceur.
- Réalisateur : Maurice Tourneur
- Acteurs : Albert Préjean, Luce Fabiole, Germaine Kerjean, Santa Relli, André Gabriello
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters
- Nationalité : Français
- Durée : 1h19mn
- Date de sortie : 8 mars 1944
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Un Maigret étonnant qui cache sous un rythme allègre et des dialogues amusants une vraie noirceur.
L’argument : Persuadée que sa vie est en danger, Cécile Pardon multiplie les plaintes au commissariat, mais personne ne la prend vraiment au sérieux. Jusqu’au jour où un cadavre décapité est découvert dans une chambre hôtel...
Notre avis : Cécile est morte, adaptation d’un roman de Simenon, appartient à la fin de carrière de Maurice Tourneur ; tourné pendant l’occupation pour la Continental, il vient après les magnifiques La Main du Diable et Le Val d’enfer. Le cinéaste ne tournera plus que deux films sans retrouver sa gloire passée et ce Maigret, mineur dans sa filmographie, est souvent critiqué pour le choix d’ Albert Préjean en commissaire. Certes, loin de la ronde bonhomie d’un Harry Baur ou d’un Bruno Cremer télévisuel, Préjean est sec, nerveux et peu conforme à l’image forgée par Simenon. Néanmoins, loin de ses rôles de charmeur à la gouaille irrésistible, il incarne sobrement le personnage, flanqué de son adjoint, dont l’ineffable Gabriello bredouille les dialogues.
Mais ce qui séduit le plus dans cette enquête un peu rapide, c’est l’atmosphère d’un Paris révolu, celui des petites gens dont Tourneur n’a pas son pareil pour croquer les silhouettes savoureuses. De la concierge gémissante à l’allumeuse de seize ans, c’est tout un monde disparu dont il saisit les tics de langage et les gestes précis, et que des seconds rôles magnifient, toujours à la limite de la caricature. On sent le regard mi-féroce mi-attendri du cinéaste sur ses personnages, et son amour inconditionnel des acteurs.
Il est évidemment inutile de chercher des allusions à l’Occupation, surtout dans un film tourné pour la firme allemande ; mais on reste sidéré, à bien y regarder, par la noirceur du tableau : la vieille dame acariâtre s’occupe des bordels, le vertueux voisin est un criminel rapace et les dialogues s’enrichissent de nombreuses références aux crimes. C’est que l’époque n’est pas à la vertu glorieuse : chacun, assassin en puissance, dissimule des secrets, court après l’argent ou des papiers compromettants. La presse collaborationniste ne s’y est d’ailleurs pas trompée, qui critiquait l’étalage de vices et de dépravations : il faut dire que, même si l’image reste pudique, on y traite de sexe et de décapitation avec une légèreté presque coupable.
Quand on connaît la carrière de Tourneur, on peut sentir l’influence du cinéma américain : le rythme est enlevé, l’intrigue menée tambour battant, le montage efficace. Mais le cinéaste s’empare aussi avec talent de tous les intérieurs (les extérieurs et en particulier les transparences sont beaucoup moins réussis), multipliant les enfermements et, de temps en temps, rappelle qu’il fut un réalisateur quasi -expérimental, précurseur notamment de l’expressionnisme : tel plan envahi par l’ombre, telle contre-plongée sur un escalier, montrent qu’il n’avait pas perdu la main. De même sa direction d’acteurs et le débit qu’il leur a vraisemblablement imposé opposent à la noirceur de l’ensemble un dynamisme bienvenu.
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