Le 23 octobre 2019
Élégant et sophistiqué, ce long métrage tourné à Cannes bénéficie d’un scénario audacieux et d’un casting attachant.


- Réalisateur : Christian Le Hémonet
- Acteurs : Yann Lerat, Cécile Peyrot, Annabelle Veltri, Manuel Bonnet, Franck Vidal
- Genre : Drame
- Durée : 1h48mn
- Date de sortie : 23 octobre 2019

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– Année de production : 2017
Résumé : Huit ans après qu’un pacte amoral ait été conclu entre eux, Charlotte, harcelée au téléphone, cède et accepte le rendez-vous d’Ulysse qu’elle prévoit particulièrement éprouvant. Un honteux secret les lie. Autrefois, endettée, elle avait alors accepté l’inacceptable. Ce beau célibataire qu’un ami lui avait présenté était-il l’amoureux inconsolable d’une liaison passée ou un déséquilibré ? Et cet enfant qu’elle évoque à mi-mot est vivant, mort ou imaginaire ?
Critique : Le réalisateur et scénariste Christian Le Hémonet avait déjà réalisé un premier long métrage en 1987 : Funny Boy, film tendre sur un chanteur travesti, évitait selon Marcel Martin « tous les pièges de la vulgarité et de la facilité », proposant une « vision d’un univers insolite mais décrit de manière quasi documentaire » (La Revue du cinéma). On est loin du style documentaire avec ce récit sophistiqué tourné à Cannes : la ville avait déjà fait l’objet d’une songerie fantaisiste et onirique dans le récent La Caméra de Claire de Hong Sang-soo : à l’analyse des déboires de personnages gravitant autour du monde du cinéma, Christian Le Hémonet préfère une histoire sentimentale axée sur la douleur et la vengeance, où le premier degré oscille avec le second.
- © Alban Ferrand
Un dandy écorché et une visiteuse mystérieuse se retrouvent dans une somptueuse villa, après un prologue où la même femme formait, quelques années auparavant, un couple en borderline avec un médecin suicidaire. Un vieux beau fortuné et une jeune protégée intrigante sont les autres protagonistes d’un suspense psychologique. A mi-chemin du soap opéra et de la tragédie, du mélodrame et de l’étude de mœurs, Jusqu’à la lie assume sa préciosité et son côté désuet, tout en révélant des références emblématiques : on y évoque explicitement Laura d’Otto Preminger (est-il question d’un fantôme ?), et la joute (pas uniquement verbale) entre Ulysse et Charlotte fait écho à l’affrontement en huis clos entre Emmanuelle Seigner et Mathieu Amalric dans La Vénus à la fourrure de Roman Polanski, dont le dispositif théâtral était assez proche.
- © Alban Ferrand
Plutôt audacieux dans son traitement du thème du deuil et de la maternité, le film est bien servi par la qualité de la photo d’Alban Ferrand et le charisme de ses interprètes principaux, Yann Lerat et Cécile Peyrot. Et les cinéphiles attentifs remarqueront l’apparition savoureuse de Murray Melvin, naguère interprète de Tony Richardson (Un goût de miel) et Stanley Kubrick (Barry Lindon). On regrettera toutefois l’emphase de certains dialogues et le recours un brin scolaire à des extraits de musique classique (Chopin, Satie). Mais on aurait tort de ne pas succomber au charme réel de ce petit film d’auteur romanesque.