Renvoyer le journaliste face à lui-même : c’est la singularité de l’essai de François Simon, sobrement intitulé Journaliste et écrit, comme l’indique son sous-titre, Dans les pas d’Hubert Beuve-Méry. Ce qu’a inspiré le fondateur du Monde à l’auteur ? La conviction que ce métier est avant tout une question de conscience, chaque rédacteur agissant selon sa propre éthique. Bien sûr, il existe des obstacles, mais ceux-ci, et Beuve-Méry n’a cessé de le démontrer, peuvent être contournés. A commencer par les pressions financières, François Simon rappelant comment "le patron" refusa, parce qu’il la trouvait vulgaire, la campagne publicitaire d’un grand groupe pétrolier.
Les temps ont changé, le monde avec un petit "m" s’est marchandisé, celui avec un grand aussi, les concentrations de titres n’ont rien arrangé et l’exigence dont faisait preuve Beuve-Méry face au lecteur n’est de loin plus la règle, en particulier dans les journaux gratuits, ces produits dont l’idée aurait paru "aberrante" au gérant du Monde car, soumis à la seule loi de la publicité, ils évitent de se mesurer à leurs lecteurs. Pas question toutefois pour François Simon de tomber dans la nostalgie : le journalisme reste encore une affaire d’individus capables de changer le cours des choses. Et cela, notait encore Beuve-Méry, aux deux bouts de la chaîne : "Les peuples n’ont peut-être - comme on le dit des gouvernements - que les journaux qu’ils méritent." Réjouissant ?