Le 16 avril 2015
Fidèle au roman d’Octave Mirbeau cette adaptation est une réussite qui évoque celle des Adieux à la Reine.
- Réalisateur : Benoit Jacquot
- Acteurs : Vincent Lindon, Léa Seydoux, Vincent Lacoste, Hervé Pierre, Clotilde Mollet
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Durée : 1h36mn
- Date de sortie : 1er avril 2015
L'a vu
Veut le voir
– "Journal d’une femme de chambre" est à retrouver en intégralité sur CINE+ A LA DEMANDE
Fidèle au roman d’Octave Mirbeau cette adaptation est une réussite qui évoque celle des Adieux à la Reine.
L’argument : Début du XXe siècle, en province. Très courtisée pour sa beauté, Célestine est une jeune femme de chambre nouvellement arrivée de Paris au service de la famille Lanlaire. Repoussant les avances de Monsieur, Célestine doit également faire face à la très stricte Madame Lanlaire qui régit la maison d’une main de fer. Elle y fait la rencontre de Joseph, l’énigmatique jardinier de la propriété, pour lequel elle éprouve une véritable fascination.
Notre avis : Ce n’est pas la première fois qu’on adapte le roman d’Octave Mirbeau, paru aux éditions Faquelle en Juillet 1900. Après une première version cinématographique russe muette recensée en 1916 (réalisée par M. Martov), le livre a été porté à l’écran par Jean Renoir en 1946 (The Diary of a Chambermaid) : ce long-métrage interprété par Paulette Goddard se voulait une adaptation très libre, théâtrale et burlesque. En 1964, Luis Buñuel fit de Jeanne Moreau une charnelle et vénéneuse Célestine, lui offrant un de ses rôles les plus célèbres. Le film, très psychanalytique, était plus centré sur les pulsions que sur l’analyse des relations sociales.
© Mars Distribution
La présente version de Benoît Jacquot est une œuvre bien différente, et davantage fidèle à l’esprit de l’écrivain. C’est une adaptation réaliste, assez scrupuleuse, et qui met étonnamment en relief l’actualité du texte, notamment par l’évocation de la pression sur les salariés (voire de l’esclavage salarial) : on le ressent dès la première scène, qui montre un entretien d’embauche. Les échanges entre Célestine et la Directrice des Lieux vont jouer un rôle capital dans le récit. On constate que l’inhumanité du monde du travail est vive et similaire à celle de nos jours. En même temps, le film décrit avec finesse la condition de la domestique du début du XXe siècle, ainsi que la prostitution, seul moyen pour beaucoup de femmes de sortir d’une vie misérable pour en arriver à une autre encore plus ingrate. Célestine apparaît pourtant paradoxalement comme une figure féministe, parce que même dans la misère la plus noire, elle choisit d’être la responsable de son propre destin. Belle, contradictoire, intelligente, cynique, elle dira même à sa recruteuse Dominique Reymond qu’« il n’y a que des mauvais maîtres ». Célestine est une battante, qui se permet de refuser des places qu’on lui propose. Mais elle ne peut échapper à son destin. Et à partir du moment où elle décide de ne plus avoir de maître, sa seule alternative sera le bordel, ou la fuite avec Joseph, le jardinier antisémite qui ne cesse de répéter que « les Juifs sont l’enfer », et qui lui promet un futur incertain et dangereux. Pourtant, La soif d’ascension sociale est un élément fort récurrent du film, qui se manifeste travers des images très puissantes : Célestine arrive habillée en jeune demoiselle à la mode, mais elle devra se changer dès qu’elle croise le regard de Madame Lanlaire (sublime Clotilde Mollet !).
© Mars Distribution
Elle travaille d’ailleurs dur chez Les Lanlaire, accomplissant constamment des tâches pénibles : sa patronne l’envoie chercher du fil, puis l’oblige à remonter à l’étage pour ramener une aiguille, puis à remonter encore chercher des ciseaux. C’est un exercice de dressage. Madame Lanlaire asservit Célestine avec un plaisir assez pervers, presque sordide ; elle guette ses réactions. La bonne gravit les marches, elle rêve de pouvoir transformer son destin de femme soumise en dominatrice. La lumière, les costumes et les décors confèrent au film une mise en scène très belle avec des images très naturalistes et picturales, qui évoquent notamment le tableau de Jules Breton dans (quel hasard !) La fin du travail.
La réalisation quant à elle bascule entre classicisme et contemporanéité, et on trouvera un usage très inattendu de la caméra (zoom) à l’instar des Adieux à la reine. On regrettera par contre des dialogues inutilement incompréhensibles lorsque Célestine ou Joseph marmonnent et bouillonnent intérieurement. On remarquera enfin la similitude entre le rôle de Léa Seydoux et le personnage de Sidonie qu’elle interprétait dans Les adieux à a la reine, même si cette dernière, lectrice adjointe de Marie-Antoinette, avait une position sociale plus élevée.
© Mars Distribution
© Mars Distribution
Critique de Aida Amasuno Martín
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.