Le 12 septembre 2023
Un remarquable film noir anglais, qui n’a rien à envier aux modèles hollywoodiens du genre, et donne envie de redécouvrir l’œuvre méconnue d’Alberto Cavalcanti.
- Réalisateur : Alberto Cavalcanti
- Acteurs : Trevor Howard, Sally Gray, Griffith Jones, Rene Ray, Mary Merrall
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Thriller, Film de gangsters, Noir et blanc, Policier
- Nationalité : Britannique
- Distributeur : Solaris Distribution
- Durée : 1h39mn
- Date télé : 12 février 2024 20:50
- Chaîne : Ciné+ Classic
- Reprise: 13 septembre 2023
- Titre original : They Made Me a Fugitive
- Date de sortie : 10 septembre 1948
- Festival : Festival de Venise 1947
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– Reprise en version restaurée : 13 septembre 2023
Résumé : Londres, 1947. Le rationnement profite aux trafics en tous genres. Clem Morgan, ex-pilote de la Royal Air Force, s’associe à des trafiquants du marché noir. Mais la conscience morale de Morgan déplaît à Narcy, le meneur des malfrats qui cachent la marchandise dans des cercueils. Trahi par la bande, Morgan se retrouve en prison d’où il s évade pour prendre sa revanche.
Critique : Alberto Cavalcanti est un cas à part dans l’histoire du cinéma. Il a longtemps été l’objet de louanges dans les ouvrages spécialisés, dont ceux de Georges Sadoul, avant de tomber dans un relatif oubli. De ce cinéaste franco-brésilien qui connut une carrière internationale dans la fiction et le documentaire, seul Au cœur de la nuit (1945), perle du fantastique, dont il réalisa un segment, est véritablement connu des cinéphiles. Sorti deux ans plus tard, après que Cavalcanti eut quitté les studios Ealing, Je suis un fugitif (They Made Me a Fugitive) est un autre de ses films anglais, produit par Warner Brothers Pictures LTD. Écrit par Noel Langley, le scénario est adapté du roman A Convict Has Escaped de Jackson Budd. Précisons qu’il ne s’agit pas d’un remake de Je suis un évadé (I Am a Fugitive from a Chain Gang, 1932) de Mervyn LeRoy, les scènes carcérales étant d’ailleurs les plus brèves. Le récit reprend beaucoup de codes du film noir hollywoodien des années 1940, dont les archétypes du faux coupable et le traitement elliptique des péripéties, tout en décrivant un après-guerre difficile, ou le marché noir tente de compenser les divers rationnements et interdits. En ce sens, le trafic organisé par la fausse compagnie funéraire annonce le commerce de pénicilline dans Le troisième homme (The Third Man, 1949) de Carol Reed.
- © Powerhouse Films
Si le premier quart d’heure peut laisser penser à un film mineur compte tenu de clichés (l’ex-militaire alcoolisé, l’opposition entre le truand sadique et le brave homme enrôlé), l’histoire devient très vite prenante. La noirceur des situations (la violence est particulièrement intense pour une production de cette période) est compensée par un humour lui-même… noir, notamment à travers les vannes que se lancent les personnages. Si les dialogues sont en effet réjouissants, le rythme du récit est une autre qualité, en particulier dans les séquences de cavale qui n’ont rien à enlever au Hitchcock des 39 marches (The 39 Steps, 1935). On songe à la rencontre surréaliste, dans une villa cossue, avec une bourgeoise qui demande à Clem d’assassiner son mari ivrogne, avant de passer elle-même à l’acte face au refus poli de l’intrus. Mais c’est par la mise en scène que le film captive. Cavalcanti a fait ses armes dans l’avant-garde française des années 1920. Mais même dans des films de genre, il a tenu à avoir une démarche formelle, comme cela fut le cas avec Le capitaine Fracasse (1929).
- © Powerhouse Films
Du premier plan fixe sur une rue mal famée de West End au combat final sur les toits, Cavalcanti montre ici une belle démarche d’esthète, appréciée notamment avec les cadrages et surimpressions. Il est bien épaulé par le noir et blanc somptueux d’Otto Heller et les décors d’Andrew Mazzei. Enfin, la direction d’acteurs est impeccable. Bien que trop âgé pour le rôle (dix-sept ans de plus que son personnage), Trevor Howard, qui sortait du succès de Brève rencontre (Brief Encounter, 1945) de David Lean, est un très plausible héros de film d’action. À ses côtés, la belle et subtile Sally Gray en fausse femme fatale a de faux airs de Lauren Bacall et Ginger Rogers. En méchant très sournois, Griffith Jones fait le job avec conviction, jusqu’au dernier gros plan sur son visage. Et une galerie de trognes excentriques complète la galerie, dont Mary Merrall en vieille lady indigne, à la répartie qui fait mouche. Restauré par BBI National Archive, Je suis un fugitif est donc une réussite qui donne envie de redécouvrir l’œuvre méconnue de Cavalcanti.
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