Le 16 août 2015
Adaptant le classique de Théophile Gautier, Cavalcanti mêle premier degré et inventivité formelle.
- Réalisateur : Alberto Cavalcanti
- Acteurs : Charles Boyer, Marguerite Moreno, Armand Numès, René Bergeron, Pola Illéry, Daniel Mendaille, Pierre Blanchar, Lien Deyers
- Genre : Aventures, Action, Historique, De cape et d’épée, Film muet, Noir et blanc
- Nationalité : Français
- Durée : 1h28mn
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– Année de production : 1929
Résumé : Sous le règne de Louis XIII, le baron de Sigognac, ruiné, rencontre une troupe de comédiens qui lui demande l’hospitalité. Séduit par la beauté d’une des comédiennes, la délicieuse Isabelle, il décide d’accompagner la troupe sur les grands chemins.
Critique : Retrouvé récemment alors qu’il était réputé perdu, ce film d’Alberto Cavalcanti est l’une des adaptations muettes du roman parodique de Théophile Gautier. Cavalcanti est alors un cinéaste débutant qui fréquente les milieux avant-gardistes, et si son Capitaine Fracasse est relativement classique, il reste quelque chose des expérimentations passées. Mais ce qui frappe d’abord, c’est que l’histoire est racontée au premier degré : cavalcades, amours passionnées, duels, grands sentiments, rebondissements, tout y est. Charles Boyer, avant son départ aux États-Unis, y incarne sobrement le méchant vraiment méchant ; Pierre Blanchar est un héros pur et courageux ; et les seconds rôles mettent en valeur les personnages principaux (mention spéciale à la caricaturale et savoureuse Marguerite Moreno). Bref le spectacle est assuré et joyeusement enlevé.
Mais à y regarder de plus près, on peut considérer que Cavalcanti a voulu adapter non seulement la lettre (roman de cape et d’épée farci de clichés) mais aussi l’esprit du roman : là où Théophile Gautier faisait tenir son récit par une recherche stylistique constante, le transformant en tour de force, le cinéaste s’amuse à parsemer le sien de trouvailles réjouissantes. On verra par exemple des plans très brefs à la limite de l’abstraction dans les combats. Plus fréquemment, Cavalcanti choisit de travailler la profondeur de champ en multipliant les détails qui enrichissent l’action de commentaires parallèles. De même, les cadrages très étudiés mettent en valeur le goût du paysage (les comédiens en ombre sur une colline, par exemple) comme la fascination pour les visages, voire les trognes (voir à ce titre les plans de spectateurs parfois très brefs) du réalisateur, qui utilise tous les moyens du cinéma (montage, décors souvent traversés de lignes verticales ou horizontales, jeux de lumière) pour dynamiter cette histoire simpliste. On voit ici à quel point le muet finissant était parvenu à une réflexion en acte passionnante, loin de l’image convenue d’un art figé.
Le corollaire de cette recherche est le décalage entre un récit foisonnant mais largement prévisible et certains aspects de la mise en scène qui le minent ou au moins en distraient. L’unité du film en souffre, même si une lecture naïve est toujours possible, soutenue par un rythme parfois trépidant. Cavalcanti maîtrise d’ailleurs l’alternance de temps forts et faibles, installant même des moments de mélancolie subtile.
On se réjouit de voir un film considéré comme perdu et retrouvé par miracle, surtout dans une copie teintée et plutôt bien conservée. Mais l’intérêt n’est pas simplement archéologique : Le capitaine Fracasse est constamment passionnant, inventif et enrichit notre connaissance d’un cinéaste dont l’œuvre reste en grande partie méconnue.
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