Toujours rien sur Robert
Le 20 septembre 2007
Une comédie sinueuse qui vaut surtout pour son scénario diabolique et son interprétation impeccable. Un Bonitzer sans surprise mais que l’on aurait tort de bouder.
- Réalisateur : Pascal Bonitzer
- Acteurs : Charles Berling, Édouard Baer
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Français
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– Durée : 1h22mn
– Le site du film
Une comédie sinueuse qui vaut surtout pour son scénario diabolique et son interprétation impeccable. Un Bonitzer sans surprise mais que l’on aurait tort de bouder.
L’argument : Un matin, Diane découvre que l’homme qu’elle aime, Hermann, l’éditeur bien connu, va publier un livre de Worms, l’écrivain bien connu dont elle a autrefois partagé la vie, - et que ce livre parle d’elle...
Un autre matin, Hermann rencontre son ancienne amie Anne, qu’il a jadis quittée pour Diane... Worms, qui se trouve là, surprend et photographie sur son portable la rencontre dont il envoie l’image à Diane. Crise...
La même nuit, Anne débarque chez Hermann, tandis que Diane rend visite à Antoine, l’ancien médecin de Anne devenu le mari de celle-ci... Le vaudeville va se muer alors en drame, puis en tragédie...
Notre avis : On va certainement encore taxer le nouveau film de Pascal Bonitzer de parisianiste, entendez "film sur le milieu étriqué de l’intelligentsia parisienne". Soit. On reproche bien parfois à Claude Chabrol de ne s’intéresser qu’à la bourgeoisie provinciale. Un auteur a ses marottes et ses thèmes de prédilection, c’est d’ailleurs ce qui le définit en tant qu’auteur. Je pense à vous met donc effectivement en scène, entre autres, un écrivain (Charles Berling) et son éditeur (Edouard Baer). Le premier est un personnage central non par son omniprésence mais par son omniscience. Il tire habilement, et malgré une apparente bêtise, les ficelles du récit qui se déroule sous nos yeux et celles des pantins qui l’entourent. "Je pense à vous", c’est effectivement ce que fait Worms (Berling donc) au sujet de ses proches, il pense à eux comme à des êtres de papier, il les pense. C’est le thème central du film : la manipulation du réel à des fins fictionnelles. Worms fait chuter le premier domino, entraînant une réaction en chaîne infernale, et nourrit ainsi la construction de son roman à venir. Bonitzer s’est sans doute lui aussi inspiré d’une histoire bien réelle pour son film, à savoir la colère de Marianne Denicourt envers son ancien compagnon Arnaud Despleschin, accusé d’avoir repris des éléments de la vie privée de l’actrice dans son film Rois et reine.
La manipulation, Bonitzer connaît bien, lui qui place ses personnages tels des pions dans (presque) toutes les situations vaudevillesques possibles, comme s’il cherchait à épuiser le genre. Le film repose donc énormément sur l’interprétation impeccable des acteurs et sur les dialogues d’une puissance dévastatrice, parvenant à emballer férocement le film à plusieurs moments, et nous libérant ainsi d’un ennui poli mais tenace. Edouard Baer suit les traces de Luchini (dans Rien sur Robert) et Auteuil (dans Petites coupures) en incarnant cet éditeur lâche, paumé entre deux femmes. Marina de Van fait du Marina de Van en jouant l’élément perturbateur et malade (comme souvent chez Bonitzer), et distille une inquiétante étrangeté qui donne du relief à l’ensemble. Quant à Berling, il est tout simplement irrésistible en écrivain malin, au sens diabolique, perturbé par sa non-judéité (amusante réflexion, au passage, sur l’emploi paranoïaque du mot "antisémite").
Du déjà-vu donc, mais que l’on prend plaisir à revoir. C’est bien la marque d’un auteur.
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