Ceux, nombreux, qui l’ont lue et aimée, seront heureux de la retrouver dans les pages de son troisième livre, comme une amie très chère qui a tardé un peu à donner de ses nouvelles. Après le succès inattendu de son premier récit autobiographie (On s’est déjà vu quelque part ? [1]) et la parution l’an dernier en France de son premier roman (Chimères), Nuala O’Faolain revient à la veine personnelle qui l’a fait connaître et apprécier de milliers de lecteurs, pour faire le point sur sa vie, chamboulée par ses succès éditoriaux. La soixantaine bien entamée, elle décide qu’il est temps de faire un peu de ménage, s’éloigne de l’Irlande pour un nécessaire retour sur elle-même, s’installe à New York. Assez seule, fuyant les mondanités, vivant dans un meublé, écrivant bien sûr, sans relâche. Mais chassez le naturel, il revient au galop. Aimer, elle croyait en avoir fait le tour mais plaire est sa seconde nature. Voilà qu’apparaît sur sa scène personnelle John, un Américain bien tranquille rencontré sur internet...

C’est de la maison où elle vit maintenant avec lui qu’elle se livre à son exercice d’introspection. Avec la franchise pudique qu’on lui connaît, elle revient sur son premier livre et l’électrochoc qu’il a provoqué dans sa famille. Sur son roman aussi, dont elle parle longuement, expliquant comment elle a mêlé les événements de sa vie personnelle à cette fiction qui lui ressemble tant, les a transformés - embellis souvent. Se rêver une autre et rêver l’autre différent l’a-t-elle aidée à s’accepter telle qu’elle est, à se débarrasser de ses fantômes et de ses démons ? Peut-être... Ce qui est sûr, c’est que son talent continue à mûrir et à se bonifier. Poursuivant sa réflexion sur le sujet qu’elle connaît le mieux, sa propre personne, elle tente de chasser la nostalgie qui parfois l’envahit à regarder le passé et ses ratages, à envisager l’avenir qui forcément ne sera pas semé de roses. Tour à tour drôle ou profonde, d’une intelligence toujours très vive, d’une lucidité à toute épreuve, elle réussit cette rare équation : parvenir à écrire pour elle-même et pour ses lecteurs tout à la fois, avec une sincérité telle qu’elle provoque chez eux un fraternel sentiment de proximité qui ne peut que forcer l’admiration et l’empathie.