En toute modestie
Le 9 janvier 2011
Cette suite de variations sur le thème de l’égoïsme au casting de stars couronne dignement la carrière de Blasetti
- Réalisateur : Alessandro Blasetti
- Acteurs : Marcello Mastroianni, Silvana Mangano, Gina Lollobrigida, Vittorio De Sica, Nino Manfredi, Franca Valeri, Sylva Koscina, Walter Chiari, Caterina Boratto, Elisa Cegani
- Genre : Comédie
- Nationalité : Italien
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– Durée : 1h43mn
Cette suite de variations sur le thème de l’égoïsme au casting de stars couronne dignement la carrière de Blasetti.
L’argument : Une enquête sur l’égoïsme se transforme en confession. L’auteur, étudiant le comportement des autres, finit par découvrir ses propres défauts.
Notre avis : En 1951 Visconti avait demandé à Alessandro Blasetti (La tavola dei poveri) de jouer son propre rôle de metteur en scène star dans Bellissima, satire caustique de l’univers de Cinecittà, ce que le célèbre regista avait fait de bonne grâce et avec la dose d’auto-ironie qui le caractérisait.
Quinze ans plus tard, à soixante cinq ans et avec une trentaine de films à son actif, Blasetti était toujours une figure familière à tous, unanimement admirée et respectée pour son autorité bonhomme et son solide talent, mais il rencontra néanmoins quelques difficultés pour monter ce Io, io, io... e gli altri qu’il envisageait plus ou moins comme un film testament, ce qui ne l’empêchera pas de tourner encore deux long-métrages pour le cinéma et de travailler pour la télévision jusqu’en 1981.
Sans doute est-ce la forme annoncée, celle de la conférence filmée, plus encore que le sujet, l’égoïsme, qui effraya les producteurs. Ce n’est finalement qu’en acceptant de tourner dans la foulée un autre film, censé être plus commercial (La ragazza del bersagliere) et grâce à l’appui de têtes d’affiches disposées à travailler gratuitement pour l’illustre Maestro que le projet put finalement voir le jour, remportant d’ailleurs, à sa sortie, un succès considérable et valant au cinéaste le David di Donatello 1966 du meilleur réalisateur.
Le ton humoristique de l’ensemble est annoncé par un générique fort amusant qui est aussi une judicieuse entrée en matière : le nom de Blasetti apparaît quatre ou cinq fois (sujet, scénario, mise en scène, un film de...) et, quand il est associé à d’autres, se gonfle pour les écraser et occuper tout l’espace de l’écran.
Walter Chiari prend en charge le rôle du conférencier-protagoniste, un journaliste qui, faisant une enquête sur l’égoïsme et étudiant le comportement de ses concitoyens, en commençant par celui de son entourage, est amené à se rendre compte qu’il est lui-même son meilleur sujet d’étude. Cet interprète familier des rôles de crapules sympathiques (comme l’Annovazzi de Bellissima qui se fait remonter les bretelles par le Maestro Blasetti en personne), et passé maître dans le maniement de l’auto-dérision était le choix idéal pour faire sentir la fragilité cachée sous le brio de surface. Si le film de Blasetti ne lui permet pas de dessiner un personnage aussi inoubliable que le père quelque peu immature cherchant à conserver l’admiration de son fils dans Il giovedì de Dino Risi (1963) sa remarquable prestation dans Io, io, io... e gli altri contribue à insuffler à la série inégale de saynètes qu’aligne le film une gravité souterraine qui donne à l’ensemble son unité.
Car si l’humour règne et si la galerie de portraits, croqués avec une veine acérée de caricaturiste, mais sans méchanceté, est des plus réjouissantes, la mélancolie finit tout de même par l’emporter, Blasetti n’hésitant pas à conclure sa comédie sur un constat d’échec lorsque le narrateur retrouve, amère et désenchantée, Silvia, la diva dont il a lui même contribué à lancer la carrière quelques années plus tôt mais qui rêvait d’une toute autre vie.
La sublime Silvana Mangano est bouleversante dans ce rôle, le plus émouvant du film avec celui de Peppino, l’ami altruiste du héros qui meurt les bras ouverts en essayant de rattraper au vol un ouvrier sarde tombant d’un échafaudage de chantier. Marcello Mastroianni, affublé de lunettes impossibles, sait le rendre à la fois ridicule et extrêmement touchant.
Mais mêmes les compositions savoureuses et extraverties de Vittorio de Sica en Commendatore à la componction hypocrite, de Gina Lollobrigida, irrésistible en épouse coquette, et de tous les autres (Vittorio Caprioli en député habile à tourner sa veste, Franca valeri, Sylva Koscina, ...etc.) révèlent un fond d’angoisse sous la joyeuse caricature.
Elégamment mis en scène et plus profond qu’il n’y paraît au premier abord, Io, io, io... e gli altri est assurément à l’image de son auteur : il n’évite pas toujours les lieux communs et certains effets faciles mais réussit à surprendre et même à émouvoir, couronnant dignement une carrière riche en brillantes réussites.
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