Interview

Tête-à-tête réjouissant et savoureux faux-semblants pour ce premier volet d’une trilogie de remake des films de Theo Van Gogh.

L’argument : Journaliste politique, Pierre Peders (Steve Buscemi) est forcé par son rédacteur en chef d’interviewer Katya (Sienna Miller), la star d’une série télévisée...

Notre avis : Ce pourrait être une pièce de théâtre, sans musique ou presque, sans déambulations, un modèle de sobriété. Interview, remake d’un film éponyme du réalisateur hollandais Theo Van Gogh, assassiné en 2004 par un extrémiste islamique, est un huis clos tamisé, un face-à-face tragi-comique, plus retors et fin qu’il n’y paraît d’abord. Tout y est question de regards, de préjugés et de ce qu’on croit savoir de l’autre. Faire se rencontrer deux personnages que tout oppose, l’idée n’est pas neuve. Elle tient ici un instant, croit-on, du registre comique. Que vient faire ce journaliste coincé et dédaigneux dans les pages cinéma peopolisantes de son journal, contraint d’interviewer une starlette débile et superficielle ? Il s’en fout, elle veut qu’on l’admire. Cette interview est mal engagée. Et puis, le hasard aidant, ils vont apprendre à se connaître. Dans le loft de l’actrice commence alors un jeu de séduction troublant, cynique et touchant tour à tour, où les deux personnages semblent en permanence se confier avant de reculer, au gré de leurs humeurs.
Interview tient tout son piment de ses dialogues, de la profondeur de ses personnages pourtant totalement décalés l’un par rapport à l’autre et vis-à-vis de leurs réalités respectives, et de la confrontation faussement tendre qui les occupera le temps d’une nuit. Lent, légèrement ivre, ce manège amuse, intrigue ; on se laisse envelopper dans la nuit qui règne au-dehors de l’appartement, on guette le moment où un des héros tombera le masque. Car, on s’en doute, Pierre et Katya, comme dans toute interview, jouent un jeu. Lequel est sincère, lequel est faux, la chute de cet entretien, elle aussi désabusée, surprenante, lèvera le voile sur leurs intentions.
Seuls en scènes, Steve Buscemi (qui s’occupe également de la réalisation) et Sienna Miller sont remarquables. Lui, légèrement lunaire, fait preuve d’une véritable séduction, trouble, joue de son côté bancal à merveille. Elle, dans un numéro d’autodérision touchant (elle a fait la une des magazines people des mois durant après son histoire avec Jude Law), minaude, crie, boit, agace, étonne. Ensemble, tour à tour père et fille, amants, ennemis et complices, ils portent ce film discret qui, l’air de rien, en dit long sur l’image qu’on donne de soi, celle des stars, et sur les moyens qu’on peut employer pour percer les secrets d’un étranger.