Le 26 janvier 2024
Le film se veut comme un reflet exaltant et élégiaque d’un héros pulp vieillissant, autant qu’un avertissement inespéré contre le piège de la nostalgie. Néanmoins, le cinéaste-orfèvre James Mangold n’arrive jamais à transcender la saga et l’emmener vers des terrains inexplorés. Il en résulte un volet paradoxal, à la fois le moins cinégénique de l’histoire de la série mais aussi le plus passionnant.
- Réalisateur : James Mangold
- Acteurs : Antonio Banderas, Harrison Ford, Thomas Kretschmann, Karen Allen, Mads Mikkelsen, Toby Jones, Boyd Holbrook, John Rhys-Davies , Phoebe Waller-Bridge, Ethann Isidore
- Genre : Aventures, Action
- Nationalité : Américain
- Distributeur : The Walt Disney Company France
- Durée : 2h34mn
- Date télé : 19 juin 2024 23:03
- Chaîne : Canal+ Cinéma
- Titre original : Indiana Jones and the Dial of Destiny
- Date de sortie : 28 juin 2023
- Voir le dossier : La saga Indiana Jones
- Festival : Festival de Cannes 2023
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– Festival de Cannes 2023 : sélection officielle, hors compétition
Résumé : L’archéologue casse-cou Indiana Jones court contre la montre pour récupérer un cadran légendaire qui peut changer le cours de l’histoire. Accompagné de sa filleule, il se retrouve bientôt face à Jürgen Voller, un ancien nazi qui travaille pour la NASA.
Critique : Quinze ans après un quatrième volet décrié, Indiana Jones, probablement le héros le plus influent de la pop culture contemporaine, revient sans son père spirituel, Steven Spielberg ayant quitté le navire après un développement rocambolesque et des années de report. La barre du navire a été confiée à James Mangold, cinéaste orfèvre touche-à-tout avec une filmographie en dents de scie, entre films de commande et réussites personnelles. Sa dernière incursion dans le blockbuster avec Logan augurait le meilleur, tant le film était unanimement considéré comme une anomalie dans un système hollywoodien mortifère. Ce chant du cygne miraculeux pour Wolverine, un personnage adulé des fans qui n’aura de cesse d’être malmené par les studios, sonnait comme une revanche de Mangold contre une industrie régie par l’appât du gain et la course aux profits. James Mangold, fort de son expérience sur Copland et 3 h10 pour Yuma pour ne citer qu’eux, avait réussi à cambrioler le genre ultra sclérosé du film de super-héros et y injecter une dimension proche de l’éloge funèbre, faisant de son road movie à travers les États-Unis un état des lieux lucide, proche de la mélancolie, d’un genre arrivé à bout de course, incarné par un Wolwerine agonisant, au bord de la mort. Si James Mangold n’a jamais pu avoir le champ d’action que peuvent obtenir d’autres cinéastes à la forte personnalité artistique, c’est un réalisateur passionné et passionnant, capable de se réapproprier les codes du cinéma classique américain qu’il a lui même étudié, allant du western au film noir, et composer une mosaïque d’influences diablement vivifiante. Il paraissait comme le choix parfait pour succéder à Steven Spielberg. Qu’en est il vraiment ?
- Indiana Jones (Harrison Ford) dans le film Lucasfilm "Indiana Jones et le Cadran de la Destinée"
- © 2022 Lucasfilm Ltd. & TM. Tous droits réservés.
Ce qui ressort le plus d’Indiana Jones et le cadran de la destinée, c’est indéniablement cet amour enfantin pour le pulp qui faisait tout le sel des premiers opus. James Mangold déploie toute son énergie dans une accumulation de séquences d’action que l’on croirait sortir tout droit des films d’aventures des années 1950, Le Secret des Incas de Jerry Hopper en tête. Malheureusement, l’expérience globale est entachée par une utilisation abusive d’effets spéciaux numériques et fonds verts parfois inconstants et mal intégrés, quand le recours au décor réel était une nécessité. Celui-ci prolongeait la tangibilité de l’univers dans lequel évoluait Indiana Jones, mais aussi la physicalité des corps et la sensation de danger, comme dans la formidable scène du pont dans Indiana Jones et le temple maudit ou bien celle du convoi dans le désert jordanien d’Indiana Jones et la dernière croisade. De plus, on ne comprend pas pourquoi Mangold et son directeur de la photographie Phedon Papamichael ont voulu inoculer au film une teinte jaunâtre donnant l’impression d’un rendu numérique assez plat et terne, qui dessert grandement l’immersion du spectateur. En voulant se rapprocher de l’esthétique des Aventuriers de l’arche perdue, Mangold a fait le choix de la régression. Le cadran de la destinée est un objet de cinéma étrange, désordonné, pétri de bonnes intentions, peut-être mal imbriquées les unes aux autres, mais indéniablement triste et parfois brillant sur l’étiolement, le dépérissement d’un mythe, celui d’Indiana Jones, un corps fatigué, abîmé par les années, perpétuellement en décalage par rapport au monde. C’est là la plus grande force de ce dernier volet à l’aura funèbre.
- © Lucasfilm Ltd. & TM. All Rights Reserved.
Après près de quarante ans, Indiana Jones est devenu un mythe. Indy a toujours été représenté comme une icône faillible, presque sur le déclin, ce dès le premier opus. C’était la note d’intention de George Lucas et Steven Spielberg : inscrire leur héros dans un subtil jeu de valorisation et de dévalorisation pour en faire un personnage universel. Le cadran de la destinée poursuit admirablement cette réflexion qui a traversé toute la saga en s’attardant sur le corps vieillissant de Harrison Ford, sa difficulté à escalader une paroi, son désenchantement du monde, le deuil de son fils mort au Vietnam, l’échec de son mariage avec Marion, son regard emprunt d’un mal-être existentiel le rongeant de l’intérieur, et, dans un climax final merveilleux et ensorcelant, ce songe irrépressible d’abandonner le réel pour rester dans sa rêverie et, de fait, mourir aux yeux des autres. Mangold signe un dernier round que l’on croirait sinistre mais qui se révèle être un ultime hommage à Indy, une dernière aventure, peut être la plus difficile de sa carrière : celle de s’accepter lui-même, arrêter de lutter et continuer à vivre, par-delà le temps et l’espace. Tel est le crédo du plus célèbre aventurier de tous les temps.
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