Hôtel des Amériques - André Téchiné - critique

Critique : Le cadre d’une cité balnéaire hors saison, en l’occurrence Biarritz, filmé comme une ville fantôme avec une superbe photographie due à Bruno Nuytten, sert d’écrin à la relation impossible entre deux êtres qui se promènent, leur existence lestée d’une valise de problèmes. La première collaboration entre André Téchiné et Catherine Deneuve est une réussite à laquelle participe aussi Patrick Dewaere, qui enchaînait alors les rôles de paumés. Ses expressions de grand gamin sans cesse étonné, ses réactions impulsives ou sa tristesse contenue font merveille dans un emploi qui, durant la période 1978-1981, aura été dupliqué par nombre de réalisateurs souvent admiratifs. Et il y a de quoi l’être en regardant l’ultime scène où l’acteur, visage plus blafard que jamais, monologue avec ses propres illusions ("Dis-moi qu’on est plus fort que ça").
La rencontre hasardeuse entre le gérant d’un bar et une anesthésiste mystérieuse n’évite cependant pas certaines conventions propres au mélodrame, de sorte que la caméra ne manque pas de saisir un océan qui mugit, à l’unisson des tourments intérieurs. On pense évidemment à cette scène, l’une des plus fameuses du film, où Hélène se précipite sur la plage à la rencontre de Gilles, avant de s’offrir sur le sable que lèchent des vagues nocturnes.
L’histoire de ces deux solitudes est celle de désirs sans cesse décalés, empêtrés dans des contradictions insolubles (la jeune femme déchire une photo de son amant, mais ne parvient pas à la jeter par la fenêtre). Autour des protagonistes, gravitent des êtres dont la présence délimite les mornes contours d’une tragédie : à contre-emploi, Dominique Lavanant et Josiane Balasko sont très bonnes. Étienne Chicot, lui, est un copain parasite, pourvu d’une guitare. Sa prestation est également mémorable.