Pour quelques paquets de camel
Le 6 août 2017
Percutant et réaliste, ce récit d’un fait divers sanglant qui avait secoué l’Union soviétique est traité avec classicisme et efficacité.
- Réalisateur : Rezo Gigineishvili
- Acteurs : Tinatin Dalakishvili, Irakli Kvirikadze, Giga Datiashvili, Giorgi Khurtsilava, Giorgi Grdzelidze, Giorgi Tabidze
- Genre : Drame
- Nationalité : Russe
- Distributeur : Kinovista
- Durée : 1h44mn
- Date de sortie : 2 août 2017
- Festival : Festival de Berlin 2017
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Géorgie, 1983. Sept amis inséparables issus de la jeunesse dorée rêvent de fuir le régime autoritaire de l’Union soviétique. Bercés d’idéaux, ils décident de détourner un avion pour s’enfuir et rejoindre le monde libre...
Critique : Cinquième long métrage d’un cinéaste géorgien de trente-cinq ans, Hostages reconstitue l’un des faits divers les plus violents de l’ex-URSS. Disons-le d’emblée : le film ne révolutionne certes pas le cinéma de l’Est, qui a fourni ces derniers mois de jolies pépites avec Le Disciple de Kirill Serebrennikov, Zoologie d’Ivan I. Tvertovsky, ou Faute d’amour d’Andreï Zviaguintsev. Mais Hostages déploie un professionnalisme indéniable, transcendant un scénario strictement linaire (coécrit par l’écrivain Lasha Bugadze) : si les préparatifs, la prise d’otages, l’intervention des forces spéciales, le procès puis le devenir des protagonistes sont ainsi déroulés dans le cadre d’une chronologie limpide, balisée par les inévitables cartons d’introduction et de pré-générique de fin pour l’aspect didactique, les auteurs dépassent cette convention : l’œuvre, efficace, comporte plusieurs dimensions, n’hésitant pas à mélanger les genres.
- Copyright Kinovista
On a d’abord un film social habile, décrivant le morne quotidien de la nomenklatura. Pour la jeunesse diplômée, qui a eu accès à des études de beaux-arts et achète au marché noir des cigarettes américaines ou des vinyles occidentaux, le système soviétique paraît bien étriqué et rigide : ne pas avoir le droit de se baigner dans la mer Noire est perçu comme une aberration, et le contrôle social et policier s’avère vite étouffant : ne sont-ils pas otages dans leur propre pays ? Le rêve de nouvelle vie va s’appuyer sur un projet insensé et mal préparé, qui tournera vite au cauchemar. La narration glisse alors vers un pur film d’action, d’une virtuosité étonnante : et là, les moments de bravoure de Hostages n’ont rien à envier au huis clos de Vol 93 de Paul Greengrass : à cet égard, on peut penser qu’à l’instar de ses personnages, Renzo Gigineishvili souhaiterait lui aussi passer à l’Ouest, attiré sans doute par les sirènes hollywoodiennes…
- Copyright Kinovista
Une autre force de Hostages est d’aborder une thématique politique et sociétale (comment la privation de libertés publiques peut amener une jeunesse frustrée à commettre le pire pour réaliser son idéal), sans tomber dans le piège du film à thèse ou démonstratif, en se limitant aux seuls faits historiques. Il faut ici préciser que Renzo Gigineishvili s’est livré en amont à un véritable travail de titan, allant jusqu’à consulter les archives du KGB et à se rapprocher des témoins directs d’une affaire criminelle dont les Géorgiens se souviennent toujours. Cette authenticité, loin de figer le film et de le priver de recul et de réflexion, lui confère une rigueur appréciable. « Tout ce que l’on peut faire, c’est tenter de comprendre : nous sommes confrontés à une tragédie classique, où nul n’a raison et nul n’est coupable ». Ces déclarations du cinéaste dans la note d’intention éclairent sa démarche. Souhaitons à ce film sorti discrètement en période estivale de trouver son public.
Galerie photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.