Once upon a time
Le 15 mai 2020
Cette impressionnante reconstitution d’Hollywood d’après guerre, nous entraîne dans un tourbillon à la fois joyeux et dramatique, nous embrouille entre le vrai et le faux, mais nous conduit à un final qui laisse interrogatif.
- Réalisateur : Ryan Murphy
- Acteurs : Dylan McDermott, Darren Criss, Jim Parsons, Jake Picking, Laura Harrier, David Corenswet, Jeremy Pope
- Nationalité : Américain
- : Netflix
- Durée : 7 épisodes de 45 à 58 minutes.
- VOD : NETFLIX
- Scénariste : Ryan Murphy
- Genre : Drame, Historique
- Titre original : Hollywood
- Date de sortie : 1er mai 2020
- Plus d'informations : Hollywood
Résumé : Dans le Hollywood de l’après-Deuxième Guerre mondiale, un groupe de jeunes acteurs et cinéastes pleins d’ambition ne reculent devant rien pour percer dans le showbiz.
Notre avis : Une chose est à peu près sûre, Hollywood fera a minima sourire ou ravira, selon son degré de pinaillerie, tout cinéphile. Et pour peu qu’il ait lu Hollywood Babylone de Kenneth Anger (*), où sont racontés par le menu les dessous de l’industrie du « rêve », il aura tout loisir de pister dans ce Trivial Pursuit, les citations, anecdotes et noms semés au gré des situations et dialogues de cette mini-fresque.
Car, oui, il s’agit bien d’une mini-fresque narrant une des périodes de l’âge d’or d’Hollywood, celle qui advient au sortir de la Seconde Guerre mondiale. À commencer par son impressionnante reconstitution, à coups de wagons de mobiliers arts déco, accessoires, costumes, voitures et vieux matériels en tout genre, pléthore de décors, qui rendraient presque cheap la direction artistique, pourtant ahurissante, de Mad Men, série qu’on ne présente plus sur le monde de la publicité new-yorkaise des 60’s. Pas de doute, Netflix a sorti l’argenterie, et pas que pour les besoins des dîners mondains chez George Cukor, avant qu’ils ne dérapent en coucheries… Mais inutile d’être cinéphile ou fin connaisseur de l’histoire du septième art pour se faire embobiner par cette série.
- Je sais. Finis donc ton Martini… »
- Copyright Netflix
Hollywood, c’est d’abord une description honnêtement documentée d’une machine qui débitait à la chaîne films, starlettes et jeunes premiers. Une époque d’où sortait des usines Warner, quasiment un film par semaine, MGM ou 20th Century-Fox étant autant à la manœuvre. Tout comme le studio de cette série, ACE, clone à peine dissimulé de la Paramount, propriété de Ace Amberg et dirigé par Dick Samuels. Chaque matin, c’est la cohue devant ses grilles où se pressent jeunes filles et garçons, dans l’espoir d’être figurant sur les tournages du jour. Et d’y être repérés, engagés, incorporés comme à l’armée, pour une intense formation avec cours de diction, comédie, danse, chant et relooking de la tête au pieds, et le risque, aussi, d’être virés au premier faux. Ou pis, par un boss de mauvais poil passant par hasard à la cafétéria. Et inversement, d’être là au bon moment quand un autre boss est, lui, de bonne humeur. C’est ainsi que Raymond se retrouve, d’un claquement de doigts, embauché par Dick Samuels, non pas pour le scénario qu’il essaie de lui vendre, mais pour lire ceux des autres encombrant le bureau de Dick, afin d’y dénicher la prochaine production ACE. Un peu comme William Alland, recruté chez Warner, à peine débarqué de son bombardier, pour le même job mais qui finit par caser une idée qu’il avait depuis des années, la base du film culte de Jack Arnold, L’étrange Créature du Lac Noir (1954). Oui, Hollywood, c’était ça, des carrières et destins se décidant entre deux portes, sur un coin de table en formica de la cafétéria ou sur une nappe lors d’un dîner mondain. On pense bien sûr à Singin’ in the Rain (1952) qui raconte en creux ce joyeux bazar, et au passage le cinéphile y verra une référence subliminale - volontaire ou pas ? - cachée dans le décor d’une des scènes. Le plus averti songera, peut être, à Casablanca (1942), ou plus exactement à son tournage chaotique. Un peu similaire à celui imaginé et montré dans quelques épisodes, avec décors foireux, castings compliqués, changements de scénario et surtout une fin ne satisfaisant pas un producteur, au point qu’il veut remonter le film sans l’avis du réalisateur. Inévitablement, l’infernal et redoutable Irving Thalberg nous vient à l’esprit. Justement, cela tombe bien, il est cité plusieurs fois. Un Trivial Pursuit, on vous dit !
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Dès les deux premiers épisodes, Hollywood affiche l’ambition d’un grand récit choral à venir. Nous y croisons Jack, beau gosse rêvant de franchir les grilles d’ACE ; Raymond, donc, et sa compagne Camille, starlette afro-américaine ; mais aussi Archie, scénariste afro-américain, gay et amoureux de Roy ; ou Ernie, curieux patron d’une station-service. Au bout des sept épisodes, c’est un véritable déluge de producteurs, réalisateurs, monteurs, techniciens, agents d’artistes, stars et ex-stars du muet, que Ryan Murphy, créateur et coscénariste de cette série, nous a déversé en mélangeant joyeusement le vrai du faux. Bien entendu nous ne ferons pas le tri, car c’est le meilleur moyen de tout spoiler. On se limitera à confirmer une large véracité des eaux plus que troubles dans lesquelles nagent, avec ou sans tuba, bon nombre des personnages. Des eaux charriant prostitution, humiliations, coucheries ou orgies, coups tordus et règlements de comptes avec probablement l’aide de la mafia locale (et son cocasse clin d’œil, via une improbable vente aux enchères de biens appartenant à Bugsy Siegel).
Hollywood dépeint ainsi un « âge d’or », où il n’y a pas que des paillettes, loin s’en faut. Là, c’est plutôt un sombre jeu de dupes et d’hypocrisie, avec son fameux code Hays, plus qu’à son tour contourné, son homophobie ambiante, mais peut être plus destinée à cacher ce que tout le monde sait ou fait semblant de ne pas savoir, et son racisme, peut-être parfois dénoncé, mais, lui, bien réel.
Hélas, à force de montrer une pseudo-magie d’Hollywood, tout en utilisant les ressorts des comédies de l’époque, à coups de rebondissements souvent faciles, alternant mélo et euphorie, accentués par des ellipses trop rapides, les scénaristes finissent par « aseptiser » une probable ambition initiale : dénoncer la mainmise sur Hollywood par cette Amérique blanche bien pensante, masculine et hétérosexuelle.
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Si bien que le dernier épisode, malgré ses ô combien louables intentions, réduit presque à néant les enjeux du récit écoulé et entraîne presque une chute de l’édifice. On repense alors à ce pénible producteur fictif (quoi que…) qui fait une fixette sur la fin de son film. Acte manqué ou vicieuse mise en abyme de la part de Ryan Murphy ? Hollywood nous laisse sur cette bizarre interrogation. Du coup, le cinéphile, lui, songe à nouveau à Casablanca : 1942. Hal B. Wallis, patron des productions de la Warner, entend parler d’un marigot au Maroc où cohabitent milices de Vichy, Allemands et Résistants et saute sur l’occasion pour lancer un film sur ce sujet. Il achète les droits d’une pièce jamais montée qui pourrait faire la blague, décide d’un coup de tête du titre, Casablanca, et embauche ensuite deux scénaristes pour écrire fissa une adaptation. Il exige Ingrid Bergman, mais elle est sous contrat avec Selznick, le producteur plusieurs fois cité dans la série, du mythique Autant en emporte le vent. Il envoie ses deux scénaristes négocier. Selznick les écoute d’une oreille distraite en mangeant une soupe, et accepte en « échange » d’Olivia de Havilland du vivier Warner. Deal ! Le tournage est alors expédié dans des décors recyclés, sous la direction de Michael Curtiz, incapable de diriger Bergman, puisque que la fin n’est toujours pas validée par Wallis. Ce dernier reconvoque les scénaristes qui, dans le taxi les conduisant au studio, inventent une fin. Elle est tournée illico dans des conditions ubuesques. Mais Wallis, comme notre personnage producteur, n’est pas encore satisfait. Un mois plus tard, il trouve « sa » fin, la fait retourner avec une réplique finale, aussi culte qu’ambiguë, entrée dans l’histoire.
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C’est peut être ça qui manque à Hollywood : ce plus d’ambiguïté qui lui aurait donné une autre dimension que celle d’une honnête production propre et distrayante. Et finalement moins naïve.
(*) Kenneth Anger (93 ans), petit-fils de costumière, enfant acteur dans les années 30, puis réalisateur plus qu’underground, écrit Hollywood Babylon, une compilation sulfureuse de ragots interdits, sur les célébrités dont il a connaissance. Publié dans une première ébauche en 1959 à Paris, l’ouvrage est finalement édité aux USA, dans sa version complète en 1965. Cette version ne sort en France qu’en 2013 chez Tristam, suivi du tome 2 en 2016, Retour à Babylone (1984 au USA). Un tome 3 serait écrit depuis 2010, mais en « attente » selon Angers car il révélerait trop de choses sur Tom Cruise. En attendant, deux livres, bien avant #meetoo…
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ceciloule 24 mai 2020
Hollywood – la critique de la mini-série
Un peu naïve en effet, un peu trop optimiste et chargée d’espoir. Écran Large considère cette série comme presque uchronique, comme une réécriture du scénario historique à la manière des "et si..." et je trouve que c’est une bonne façon de redorer le blason de Hollywood, réalisation chorale et sympathique s’il en est ! (mon avis ici : https://pamolico.wordpress.com/2020/05/24/hollywood-ryan-murphy-saison-1/)