Le 6 décembre 2024
Cette coproduction franco-coréenne mérite le détour pour la finesse de son portrait psychologique et un décor urbain austère à contre-courant des codes romanesques.
- Réalisateur : Koya Kamura
- Acteurs : Roschdy Zem, Bella Kim, Park Mi-hyeon, Ryu Tae-ho , Jung Kyung-soon
- Genre : Drame, Romance
- Nationalité : Français, Sud-coréen
- Distributeur : Diaphana Distribution
- Date de sortie : 8 janvier 2025
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Résumé : À Sokcho, petite ville balnéaire de Corée du Sud, Soo-Ha, vingt-trois ans, mène une vie routinière, entre ses visites à sa mère, marchande de poissons, et sa relation avec son petit ami, Jun-oh. L’arrivée d’un Français, Yan Kerrand, dans la petite pension dans laquelle Soo-Ha travaille, réveille en elle des questions sur sa propre identité et sur son père français dont elle ne sait presque rien. Tandis que l’hiver engourdit la ville, Soo-Ha et Yan Kerrand vont s’observer, se jauger, tenter de communiquer avec leurs propres moyens et tisser un lien fragile.
Critique : Réalisateur français, Koya Kamura a entrepris des études de japonais à Tokyo et de cinéma à Paris. Il a ensuite travaillé notamment pour Walt Disney Company / Disney+. Kamura est par ailleurs l’auteur de courts métrages et de films publicitaires. Coproduction franco-coréenne, Hiver à Sokcho est son premier long. Le film est adapté d’un roman d’Elisa Shua Dusapin, qui a grandi en Suisse avant de découvrir la Corée, dont était issue sa famille. Son récit inversait le parcours Europe-Asie puisque Soo-Han, son héroïne, était une jeune Coréenne éprise de la langue de Molière et de notre culture, depuis que sa mère lui avait appris que son père, qu’elle n’a jamais connu, était un Français de passage à Sokcho. Le film de Koya Kamura est fidèle à cette trame et le réalisateur, lui-même concerné par l’appartenance (et ou la référence) à deux systèmes culturels, s’est forcément trouvé impliqué dans le processus d’adaptation. Il déclare ainsi dans le dossier de presse : « Alors que je peinais à développer ce qui devait être mon premier long-métrage, mon producteur m’a recommandé la lecture de ce livre. Ce dernier parlait d’identité, de métissage, et cela résonnait fortement avec mon histoire personnelle. Ayant déjà des images en tête en lisant le livre, je me suis très vite mis dans l’optique de l’adapter. Pour cela, j’ai fait appel à Stéphane Ly-Cuong, un auteur-réalisateur français issu de la deuxième génération vietnamienne dont toutes les œuvres parlent de la filiation, du déracinement et de la double culture. C’était donc le partenaire parfait pour ce projet ».
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Le scénario est subtil dans son traitement de la binationalité, réelle ou voulue. Comme tous les Sud-Coréens, Soo-Han est d’abord marquée par la séparation entre les deux Corée. Fille d’un Français qui a naguère eu une relation amoureuse avec sa mère, elle est profondément attachée à notre pays qu’elle ne connaît que par un apprentissage livresque et universitaire. L’arrivée d’un auteur de BD français qui a l’âge d’être son père, et venu chercher l’inspiration dans le décor paisible d’une ville portuaire hors saison, va révéler des troubles en la jeune femme. Trouve-t-elle en Yann Kerrand un substitut à l’image paternelle ? Se trouve-t-elle confrontée à l’ébauche d’un sentiment amoureux, ou simplement amical ? Les scénaristes manient avec habileté cette ambiguïté, d’autant plus que le personnage incarné par Roschdy Zem, présenté comme brut de décoffrage, cache peut-être un mal-être révélateur de ses incertitudes.
Ce drame contenu met aussi en avant une ville présentée sans atout touristique apparent (commune vieillotte sur laquelle les autorités ont récemment bâti de grandes tours), décor urbain austère à contre-courant des codes romanesques, qui amplifie le sentiment de mélancolie ambiante et de sensation paradoxale. Il faut souligner ici la qualité de la photo de la cheffe opératrice Élodie Tahtane, qui s’est nourrie de références picturales telle l’œuvre du peintre danois Hammershoi. On regrettera juste le classicisme un peu sage de la mise en scène, ce qui est largement compensé par les éléments que nous avons mentionnés, mais aussi par la singularité des incrustations graphiques de la réalisatrice Agnès Patron, illustrant aussi bien l’inspiration supposée de Kerrand que l’inconscient de Soo-Han. Une mention enfin pour les seconds rôles qui contribuent au charme de ce récit, dont Jung Kyung-soon en mère cachant ses fêlures anciennes, ou Park Mi-hyeon en vieil employeur bienveillant. Hiver à Sokcho a été présenté aux festivals de Saint-Sébastien, Toronto et Tokyo, avant d’être à l’honneur au Festival du film asiatique de Nice.
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