Le 8 avril 2020
Un hommage bouleversant au photographe reporter Gilles Caron, qui dit autant du processus atemporel de création par l’image que d’une histoire du monde, qui se répète malheureusement dans les massacres et la stupidité guerrière.
- Réalisateur : Mariana Otero
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Distributeur : Diaphana Distribution
- Durée : 1h33mn
- Date de sortie : 29 janvier 2020
Résumé : Gilles Caron, alors qu’il est au sommet d’une carrière de photojournaliste fulgurante, disparaît brutalement au Cambodge en 1970. Il a tout juste 30 ans. En l’espace de 6 ans, il a été l’un des témoins majeurs de son époque, couvrant pour les plus grands magazines la guerre des Six Jours, mai 68, le conflit nord-irlandais ou encore la guerre du Vietnam. Lorsque la réalisatrice Mariana Otero découvre le travail de Gilles Caron, une photographie attire son attention qui fait écho avec sa propre histoire, la disparition d’un être cher qui ne laisse derrière lui que des images à déchiffrer. Elle se plonge alors dans les 100 000 clichés du photoreporter pour lui redonner une présence et raconter l’histoire de son regard si singulier.
Notre avis : Ça commence par un livre, le seul témoignage écrit du photographe, Gilles Caron. Le reporter est un homme disparu. A la manière dont la mère de Mariana Otero elle-même a subi la disparition précoce de sa mère. Histoire d’un regard n’est donc pas un documentaire comme les autres. C’est le récit d’une correspondance intime entre une cinéaste, et un artiste de l’image. La réalisatrice entreprend la reconstitution d’une création artistique, puis d’une disparition. Elle accompagne l’image d’un texte scandé à la façon d’une œuvre de Duras. C’est une parole tout autant dépouillée que profonde, qui va à l’essentiel de l’œuvre de Caron, c’est-à-dire au plus près des regards que l’appareil de photographie a saisis pour l’éternité.
- Copyright Fondation Gilles Caron / Clermes.
Mariana Otero, munie d’un disque dur qui comporte toute la vie artistique de Gilles Caron, prend la main du spectateur et l’emmène au sein des paysages de guerre ou de révolte qui ont composé toute son existence. La caméra qui suit la réalisatrice semble un compagnon de route dans un passé finalement pas si lointain, comme si cette entreprise cinématographique ravivait, dans l’instantanéité de la projection, le souvenir encore vivace d’une histoire du monde avec la guerre. Le temps se fige. Les photographies de Caron qui parcourent le récit cinématographique deviennent d’une effrayante modernité. Elles ramènent au présent du spectateur, à l’instantanéité des conflits qui continuent de meurtrir la planète. Mariana Otero ne fait pas un documentaire banal sur un reporter. Elle réécrit l’histoire de cet homme, en même temps qu’elle restitue l’épouvante du monde, qui continue jour après jour avec ses famines, les besoins de reconnaissance des peuples, la pauvreté, et la guerre imbécile.
- Copyright Jérome Prébois/Diaphana Distribution
Mariana Otero nous invite chez elle. Elle accroche les clichés sur ses murs et elle tente, seule ou accompagnée, de raconter le récit de la création. Elle remet de l’ordre, rétablit ou réinvente des vérités. Elle parle de son métier de cinéaste qui restitue, dans la lumière d’un écran, sa part véritable du monde. Elle ne s’apitoie pas. Ni sur Gilles Caron, ni sur ses proches, ni sur elle-même. Elle le tutoie comme s’il était devenu son double artistique. Elle se raconte à travers cet homme disparu au Cambodge, au détour d’une rue qui pourtant portait déjà les stigmates d’enlèvements commis contre des journalistes. Mariana Otero, grâce à sa caméra, témoigne du génie oublié de cet homme, Caron, mais aussi peut-être du métier de cinéaste qu’elle incarne à sa place, par défaut.
- Copyright Jérome Prébois/Diaphana Distribution
On est subjugué par les regards. Partout, dans chaque cliché, Gilles Caron arrache des regards au détour d’une guerre, d’un apaisement. La présence du photographe devient presque sensible, immédiate et les personnages qui peuplent les images semblent figés dans une éternité. Le plus frappant demeure que tous ces visages n’ont rien de changé par rapport à ceux que l’on voit dans la vie. Les jeunes gens de mai 68 ressemblent à ceux d’aujourd’hui, les enfants affamés ou terrassés par les guerres ont le regard de ceux qui subissent les mêmes tourments, les militaires d’hier demeurent ceux d’aujourd’hui. Mariana Otero, en fabriquant cette reconstitution historique, réécrit le monde d’aujourd’hui. Histoire de regards est une ode à la paix et une invitation au recueillement.
Galerie Photos
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Braquehays 7 février 2020
Histoire d’un regard - la critique du film
Magnifique film : un hommage touchant à Gilles Caron de la réalisatrice Mariana Otero.
Croisement de deux destins : un photographe, Gilles Caron et un peintre, la mère de Mariana Otero, disparus tous deux à 30 ans. ( revoir son film bouleversant " Histoire d"un secret "
Beaucoup d’émotions,lors des rencontres de membres des familles de disparus,en quête de saisir une " dernière " photo de leur disparu ;ou lors de l’apparition du cliché sortant du bain.Magnifiques photos en noir et blanc.
Un moment magique en faisant un film avec des photos. Tout s’enchaîne merveilleusement.