Le 20 février 2022
- Date de sortie : 19 février 2022
- Plus d'informations : Site du Centre d’Art Gwinzegal
- Lieu : Gwinzegal, Centre d’art à Guingamp
Par cette exposition Soleil of Persian Square de la photographe iranienne Hannah Darabi, le centre d’art Gwinzegal nous invite - à la suite des deux précédentes expositions - à une troisième relation à l’espace et à la géographie par les images. Une plongée en images fascinante.
Résumé : Exposition du 19 février au 5 juin 2022 Centre d’Art GwinZegal 4, rue Auguste Pavie 22200 Guingamp Entrée libre Ouvert du mercredi au dimanche de 14h à 18h30 (Fermé les jours fériés)
News : Auparavant, avec Un village consacré au travail de Madeleine de Sinéty à Poilley, Jérôme Sother et Solange Reboul, les directeurs du centre, nous avaient plongé dans la ruralité bretonne et dans le compagnonnage de la photographe auprès de villageois au cours de plusieurs années de vie à la campagne dans les années 70. Les photos prises alors témoignaient de cette existence enracinée dans un quotidien de labeur et d’ancrage dans une terre nourricière qui imposait son rythme et ses conditions à ceux qui y vivaient. Avec L’Atlas des régions naturelles : l’invention d’une histoire vraie d’Eric Tabuchi et Nelly Monnier, c’était autant un « pas de côté » qu’une « prise de hauteur » par lequel l’exposition invitait le visiteur à interroger sa relation à une cartographie des sols et des airs et à s’autoriser - non sans des pointes d’humour - un regard documentaire et alternatif sur la France. C’est à Los Angeles, à l’intersection de Westwood Boulevard et Ohio Avenue, qu’a trouvé refuge la plus abondante diaspora iranienne. Sous la lumière écrasante de Californie, Hannah Darabi, artiste visuelle née en 1981 et formée à l’université de Téhéran, traque les signes de cet exil. Entre terre natale et terre promise, la musique tisse un lien indéfectible entre deux villes, deux vies, deux cultures. Art populaire, la musique pop partage avec la photographie une aura d’un nouveau genre, celle de la reproductibilité technique chère au philosophe Walter Benjamin : la musique pop s’enregistre, se duplique, se partage. Ses rythmes aguicheurs entraînent les corps, ses airs romantiques se consomment dans une société de masse sous le regard méprisant des arts savants. La révolution de 1979, la chute de la monarchie et l’instauration en Iran d’un régime théocratique conforme aux valeurs traditionnelles de l’islam auront vite fait de bannir la musique de la maigre liste des loisirs autorisés.
En exil, les musiciens vont continuer de vivre dans cette double culture ; la collection de cassettes constituée par l’artiste nous montre une scène musicale entre deux eaux, adoptant les codes du Nouveau Monde sans renier les racines d’une Perse fantasmée. Ces cassettes produites à Los Angeles, « made in USA », comme le spécifient leurs pochettes, voyageront clandestinement entre les deux pays jusqu’à la banalisation d’Internet et des formats numériques à la fin des années 90. Si la pop est qualifiée par certains de « low art », on retrouve un terme comparable, « low profile landscape », pour définir les motifs des paysages des artistes de la Côte Ouest des années 70, s’intéressant comme Hannah Darabi aux paysages artificialisés par l’homme, aux intersections de rues, aux panneaux publicitaires, aux parkings, aux centres commerciaux, à la lisière.
Ce paysage qu’elle décrit est empreint de mille signes. C’est le paysage d’une ville horizontale, dessinée pour les voitures et dont les rues s’étendent à perte de vue. Ses photographies fourmillent de petits détails d’une urbanisation sauvage, d’inscriptions typographiques, en anglais ou en perse − faisant référence tantôt à un imaginaire cinématographique américain, tantôt à un ailleurs moyen-oriental. Des séquences de portraits d’anonymes de la communauté iranienne, des documents, une conversation avec une ethnomusicologue, des images de clips vidéo viennent articuler cette recherche sur l’identité de la diaspora, entre enquête culturelle et recherche visuelle. Cette identité ne se caractérise pas par des contraires, elle n’est ni d’ici ni de là-bas, mais elle nous engage dans la complexité des dualités qui nous habitent.
Avec Soleil of Persian Square, la destination est cette fois-ci lointaine mais également familière. Elle est emplie d’images pré-conçues entre différentes « cultures de masse » qui se combinent. Sous l’œil d’Hannah Darabi, les mélanges interculturels au programme de ce projet font se rencontrer Los Angeles et Téhéran au fondement d’un quartier paradoxalement bien réel et nourri d’imaginaires. Ce quartier a été fait à partir des illusions d’exilés fuyant le Régime islamique après la révolution de 1979, à partir du récit de leur déracinement. Cette exposition et l’ouvrage qui l’accompagne manifestent cette tendance à une reconstitution d’un espace nostalgique et regretté d’un Iran pré-révolutionnaire. Cette nostalgie typique d’un sentiment partagé par nombre de diasporas d’exilés réfugiés ne s’arrête pas là. Hannah Darabi souligne bien quel sens y a-t-il à faire référence à la Perse plutôt qu’à l’Iran. Cette référence accrédite l’idée de la fierté d’une Perse impériale, éternelle, pré-islamique dont le dernier Shah avait célébré les 2500 ans en grande pompe en 1971. La géographie des images exposées est ici une géopolitique. L’exposition faite de pages d’annuaires, de photographies, de jaquettes de cassettes, de musique et de vidéo suggère cette invisible utopie de la diaspora nostalgique porté par une bande musicale typiquement iranienne qui se retrouve à Los Angeles. Cette communauté de réfugiés qui, une fois installés à Tehrangeles, se recréent une identité persane à leur image accorde une place centrale à la pop iranienne dont les créateurs les plus notoires se retrouvent tous sur place. Ce goût de la musique populaire des Iraniens en exil peut sans doute s’interpréter comme des symboles militants de dénonciation de la censure de l’État contre les musiques sous influence occidentales, censure qui s’exerce en Iran aux lendemains de la Révolution.
Cette exposition se présente donc comme une recherche sur l’identité visuelle mais également musicale du style de vie de la diaspora iranienne à Los Angeles. Après avoir travaillé sur les images de la révolution islamique dans le cadre de l’ouvrage Rue Enghelab, la révolution par les livres. Iran 1979/1983, co-publiée par LE BAL et Spector Books, Hannah Darabi poursuit son travail de photographe curieuse de l’histoire contemporaine de son pays. Elle est ici à l’affut de ces traces d’une volonté de re-créer à Los Angeles une ville fictive à l’image d’un Iran douloureusement fui et amèrement regretté.
- Ouvrage de l’exposition
- Gwinzegal
Galerie photos
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.