Gueule noire - La chronique BD

Résumé :

Marcel est un jeune gars du Nord du XIXe siècle. Comme son père, son frère et ses amis, il doit aller à la mine pour travailler. Mais il ne se voit pas travailler dans le noir du charbon et des profondeurs toute sa vie, et choisit de partir pour Paris pour sortir de sa condition. Malheureusement , sans éducation ni soutien, seule la voie de l’anarchie paraît pouvoir le satisfaire...

© Casterman

Notre avis :

Il y a du Zola dans l’oeuvre de Lelis et Antoine Ozanam. Germinal évidemment, avec la situation des mineurs de charbon, forçats souterrains sans possibilité de s’extraire socialement, mais aussi Le Ventre de Paris, ce roman moins connu mais qui ramène un jeune anarchiste dans le centre grouillant de la capitale. Une aventure sobre, tranchante mais qui pose des questions encore d’actualité. Quelles sont les solutions pour s’en sortir ? La violence en fait-elle partie ? Jusqu’à quelle limite ?

Le héros, Marcel, n’est pas parfait, il est un peu naïf et idéaliste, mais cela ne dure qu’un temps. Autour de lui gravitent des personnages qui sombrent dans tout sauf dans la caricature. Un frère désabusé mais compréhensif, une amante jeune mais pas insouciante, un ami marqué mais terre à terre... Tous vont et viennent dans l’histoire sans la tordre, mais en se rattachant de manière naturelle et facile. Car il ne s’agit pas de s’attacher : le scénario, comme le dessin, est dur, amer voire triste.
Les planches sont comme formées par une pluie fine et dense, un crachin qui se vomirait jusque sous terre, dans les mines du Pas-de-Calais ou dans les cabarets les plus sordides de Paris. Noir et blanc, traits jamais droits, on en est presque étonné lorsque les personnages s’en vont dans le beaux quartiers de la capitale française, dans les arrondissements où la lumière et les beaux immeubles sont légions. Mais non, le thème de la « gueule noire », référence au mouvement anarchiste qui naît à cette époque, s’étend à tout et tous.

Monde de désillusions comme beaucoup d’autres albums, mais monde unique cependant. Gueules Noires est une immersion dans une ambiance, avec des chansons qui sont d’époque, des rues qui paraissent sorties d’un manuel d’histoire, des situations qui ont un réalisme très littéraire. C’est une œuvre forte, originale et surprenante par bien des aspects. Sans suite, sans réelle conclusion, c’est un de ces albums qui font réfléchir, qui amène le lecteur à voir autre chose, graphiquement et psychologiquement, sans toutefois le bouleverser non plus. Mieux encore, cet ouvrage peut, pourquoi pas, être un outil d’étude pour plus d’un cours de lettre sur le réalisme et le naturalisme du XIXe siècle, de Zola à Maupassant en passant par Balzac, qui ont trouvé de dignes successeurs.

Feuilletez quelques pages de Gueule noire en cliquant sur l’image ci-dessous :


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