L’âme de la Russie
Le 21 novembre 2023
Malgré quelques réserves, cette adaptation du chef-d’œuvre de Tolstoï reste plus de cinquante ans plus tard un très beau moment de cinéma, transcendé par quelques fulgurances éblouissantes.
- Réalisateur : Sergueï Bondartchouk
- Acteurs : Nikolaï Tcherkassov, Lioudmila Savelieva, Sergueï Bondartchouk, Viatcheslav Tikhonov, Serguei Bondartchouk, Vladislav Strzhelchik, Oleg Tabakov
- Genre : Drame, Historique, Romance, Film de guerre, Drame historique
- Nationalité : Russe
- Distributeur : Potemkine Distribution
- Editeur vidéo : Éditions Montparnasse , Potemkine
- Durée : 7h03mn
- Reprise: 22 novembre 2023
- Titre original : Voyna i mir
- Date de sortie : 16 décembre 1966
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– Reprise en version restaurée : 22 novembre 2023
Le film ressortira en trois parties :
Épisode 1 : ANDREÏ BOLKONSKI - durée 2h26
Épisode 2 : NATACHA ROSTOVA - durée 1h37
Épisode 3 : 1812 ET PIERRE BEZOUKHOV - durée 2h57
Résumé : La campagne de Russie de Napoléon vue à travers la vie d’une famille d’aristocrates, en particulier celle du comte Pierre Bezoukhov, de la comtesse Nathacha Rostov et du prince Andreï Bolkonski.
Critique : Pas toujours facile d’être à la hauteur de sa réputation. Film le plus cher de l’histoire du cinéma (et de loin : 676, 5 millions de dollars contre 327 pour le troisième opus de la saga Pirates des Caraïbes et 325 pour Cléopâtre), une durée de sept heures (soit deux fois plus que la version de King Vidor, déjà pas un court-métrage), adaptation d’un des plus grands chefs-d’œuvre de la littérature mondiale... C’est peu dire que le réalisateur acteur Sergueï Bondartchouk était attendu au tournant lors de la sortie en 1966.
Bonne nouvelle : la somme pharaonique dépensée durant les deux ans de tournage se ressent de manière très positive. Décors immenses et somptueux, costumes aux couleurs resplendissantes, figurants par dizaines de milliers (dont la grande majorité prêtés par l’Armée rouge), mais aussi des centaines de batteries de canons, vingt-trois tonnes de poudre, amorces et autres fumigènes pour les scènes de bataille... Pas de doute : nous sommes ici conviés à un spectacle impressionnant, comblant toute l’attente que nous pouvions avoir d’un tel projet.
Tout aussi important (voire plus) : Bondartchouk, dans sa volonté de rester le plus proche, le plus fidèle possible au texte originel, a su retrouver l’âme, la profondeur qui rendait le roman si inoubliable, notamment en ce qui concerne les nombreux sujets traités. La mort, l’amour, le sens de la vie, la guerre, l’amitié, l’honneur, la gloire... Il semblait quasiment impossible de les traiter chacun avec autant de talent : c’est pourtant le cas, bien que certains soient logiquement davantage mis en avant que d’autres. On touche même parfois au sublime lors de quelques séquences presque oniriques où le réalisateur vient par la puissance des images, la beauté de la lumière, à nous faire ressentir tout le sens de l’œuvre d’origine. On pense alors au meilleur de Terrence Malick, aussi bien dans l’éblouissante démarche visuelle que dans la réflexion presque métaphysique, ce qui n’est pas la moindre des qualités.
Hélas, le film s’avère inégal à plusieurs niveaux. Nous songeons en particulier à l’interprétation (si Lioudmila Savelieva présente une ressemblance physique troublante avec Audrey Hepburn, la Natacha de Vidor, elle n’en a ni le charme ni le talent) ; à la musique, légèrement décevante ; mais surtout au fait qu’Andreï Bolkonski (plus précisément la première époque de la version initiale, la seconde étant bouleversante) et Pierre Bezoukhov soit un cran en-dessous des autres parties, la première pour son manque de fluidité pour passer de manière cohérente d’une séquence à une autre, la seconde pour sa vision quelque peu primaire de l’armée napoléonienne et de son empereur, mais aussi un discours légèrement contradictoire quant à l’absurdité de la guerre. De plus, cette volonté de rester le plus proche possible du roman de 1865 (certains parleront même de fétichisme) a aussi ses limites. Ainsi ce qui fonctionne admirablement en littérature ne réussit pas pour autant au cinéma. Nous pensons en particulier à l’omniprésence de la voix off, parfois efficace, mais trop souvent démonstrative, alourdissant la fluidité d’un propos pourtant aussi émouvant qu’intelligent.
Reste que ces quatre-cents minutes tiennent en haleine, offrant un spectacle et une profondeur d’esprit très supérieurs à la moyenne, ainsi qu’une vision passionnante des différents enjeux historiques et géopolitiques de l’époque. Bref, de l’émotion (la scène du bal de Natacha est filmée avec une grâce et une sensibilité rare), de l’action et de la réflexion : c’est peut-être tout simplement cela, le cinéma.
Le DVD (éditions Montparnasse, 2011)
Malgré des bonus peu enthousiasmants, une édition magnifique due à un travail impressionnant sur l’image et le son.
Les suppléments
Même si l’on appréciera l’initiative de l’éditeur visant à nous proposer plus d’une heure de suppléments à une époque où les documentaires de tournage étaient rares, il faut avouer que ceux-ci sont bien décevants. On préférera tout de même au portrait anecdotique de Tolstoï et au documentaire trop court sur Sergueï Bondartchouk le sujet consacré aux coulisses du film, malgré le choix discutable d’avoir privilégié les images de tournage au détriment de la technique.
Image
Malgré d’infimes (et très discrètes) rayures quasiment inévitables, on ne peut qu’admirer la restauration impressionnante opérée par l’éditeur. Couleurs magnifiques à tout point de vue et paysages dantesques peuvent être ainsi appréciés à leur juste valeur : un vrai régal pour le spectateur afin d’apprécier cette splendeur visuelle.
Son
On préférera en toute logique aussi bien en français qu’en russe (tous deux de valeur égale) le son 5.1 au stéréo, l’immersion sonore n’en est pas moins totale. Celle-ci nous permet aussi bien d’apprécier les moments intimistes dialogués avec élégance que les scènes de bataille dantesques mettant aussi bien en valeur la musique de Viatcheslav Ovtchinnikov que le bruit des canons ou le silence sourd qui accompagne les soldats lorsqu’ils tombent à terre. Un travail d’orfèvre.
– Sortie coffret collector & DVD : 21 novembre 2023
– Sortie DVD : 4 octobre 2011 (éditions Montparnasse)
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