Le 7 août 2017
Loin de la grande comédie américaine, Gouverneur malgré lui vaut davantage pour son ironie cinglante que pour ses intrigues secondaires.
- Réalisateur : Preston Sturges
- Acteurs : Akim Tamiroff, Allyn Joslyn, Brian Donlevy, William Demarest, Muriel Angelus
- Genre : Comédie, Noir et blanc
- Nationalité : Américain
- Durée : 1h22mn
- Titre original : The Great McGinty
- Date de sortie : 11 juillet 1945
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– Année de production : 1940
Résumé : Un patron corrompu réussit, par des moyens frauduleux, a faire d’un vagabond demeuré un gouverneur d’État.
Notre avis : Ce premier film de Preston Sturges, dont il a également signé le scénario (il était alors l’un des grands scénaristes de Hollywood), est une œuvre hybride, qui mêle de manière déséquilibrée la comédie, le film noir, la satire, voire le mélodrame. Fondé sur un flash-back, il raconte l’histoire d’un barman, devenu par un jeu de corruption maire, puis gouverneur ; c’est sans doute la meilleure part du métrage que cette ascension d’un homme de rien, conçue comme l’envers d’une comédie de Capra : ici, pas d’idéalisme, ni de héros luttant contre le système pour l’améliorer. C’est que le système repose sur un « boss » anonyme, roi des pots-de-vin, qui truque les votes : dans l’une des séquences-clés, il explique que fabriquer un barrage est une bonne affaire, puisque le chantier est interminable ; en effet, quand il est fini, on trouve une fissure et on coule encore du béton. Dans l’ensemble du film, le constat est négatif : du premier maire, aussi fluet que muet et que Sturges cantonne dans le coin du cadre, à l’évasion organisée par un policier, l’image des États-Unis en prend un sacré coup : au lieu de s’attaquer au travail des enfants, McGinty multiplie les constructions inutiles qui engraissent des entrepreneurs, des hommes politiques et leurs sbires. Au fond, c’est l’envers du rêve américain qui est détaillé : si le « boss » parle d’une « terre de grandes opportunités », celles-ci ne visent pas à améliorer la vie des gens ou à mettre des valeurs en application ; d’ailleurs le « boss » parle sans cesse par antiphrases, voulant par exemple reconstruire un Capitole soit-disant fissuré. C’est lui qui fait élire des pantins interchangeables, selon les souhaits du public : il place McGinty parce que les gens ne veulent plus de dandy et quand celui-ci intègre son bureau de gouverneur, le « boss » y est déjà installé. Sarcastique, le film l’est autant que ses personnages dont aucun n’est dupe, et Sturges met toute son invention à illustrer une corruption généralisée : McGinty peut donner des coups quand il n’est encore que « collecteur ; il sera plus raffiné une fois élu, utilisant la métaphore d’un stade photographié.
Mais Gouverneur malgré lui ne se tient pas à cette satire mordante : une histoire d’amour qui, à l’inverse de la tradition, commence par le mariage (arrangé) pour se muer en sentiment mutuel, alourdit le film, même si elle est relativement bien menée ; c’est que les bons sentiments tranchent avec le ton initial et la survenue d’enfants paraît fade par rapport aux magouilles et à la vulgarité des mafieux. Certes, Sturges utilise la romance pour montrer que, même armé des meilleures intentions, le gouverneur converti par sa femme aux nobles causes ne peut rien faire ; pire, c’est le moment où il tombera, belle inversion de la morale, mais aussi constat définitif sur l’impuissance de la politique. Néanmoins, la mièvrerie n’est pas loin dans ce tableau familial que le cinéaste peine à faire exister. Il a beau l’expédier (le film dure moins d’une heure et demi, ce qui en galvanise le rythme), la dramatiser : l’histoire d’amour reste prisonnière de conventions que des gags assez banals ne rehaussent pas.
Si Sturges sait visiblement filmer, même en tout début de carrière, la dynamique du métrage tend à s’essouffler, faute sans doute de courir plusieurs lièvres à la fois ; c’est d’autant plus dommage que les dialogues sont particulièrement soignés, souvent efficaces, et que les comédiens, malgré leur peu de notoriété, assurent leurs rôles avec conviction. Et, avouons-le, ce qu’on gardera de ce film inégal, c’est la vision mordante d’une société d’apparences, dans laquelle les politiques ne peuvent que se soumettre à des corrupteurs et n’ont pas de réel pouvoir. Ne serait-ce que pour ce cette charge violente, Gouverneur malgré lui vaut largement d’être vu, d’autant qu’on prendra beaucoup de plaisir à de nombreuses séquences très enlevées.
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