Le 1er avril 2022
Éreinté par la critique à sa sortie, Ghosts of Mars est peut-être le film le plus mal-aimé de John Carpenter. Il est temps de le réhabiliter.
- Réalisateur : John Carpenter
- Acteurs : Pam Grier, Ice Cube, Clea DuVall, Jason Statham, Joanna Cassidy, Natasha Henstridge
- Genre : Science-fiction, Fantastique, Épouvante-horreur
- Nationalité : Américain
- Distributeur : CTV Distribution, Sony Pictures
- Durée : 1h38mn
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans
- Date de sortie : 21 novembre 2001
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Résumé : En 2176, la Terre a fait de Mars une colonie minière où 640 000 personnes tentent de vivre dans un environnement hostile. A Chryse, la capitale de la vallée sud, le lieutenant Melanie Ballard et son équipe reçoivent l’ordre de transférer James "Desolation" Williams, un criminel de la pire espèce, à la Cour de justice. Ils débarquent alors dans la ville abandonnée de Shining Canyon. Seuls Desolation et une poigné de détenus, enfermés dans leur cellule, semblent être les rescapés d’une terrible catastrophe
Critique : Lorsqu’on évoque la carrière et les films de John Carpenter, surtout ses derniers, deux précisions s’imposent.
Tout d’abord, après avoir été au début des années 80 parmi les cinéastes qui comptent à Hollywood, John Carpenter a connu une carrière chaotique. Sa sincérité, son refus de la compromission ont entraîné quelques échecs cinglants (The Thing, Les aventures de Jack Buron dans les griffes du Mandarin ) qui l’ont marginalisé. Conséquence évidente : certains de ses films manquent parfois cruellement de moyens et peuvent surprendre par leur côté « cheap », surtout dans un genre de plus en plus marqué par l’inflation des budgets. Ghosts of Mars est de ceux-là, pas particulièrement gâté du point de vue de l’interprétation ou de certains décors.
Ensuite, Carpenter est – et il le revendique - un cinéaste classique, c’est à dire que son credo est avant tout de raconter une histoire et de mettre la mise en scène au service de cette histoire. De ce fait, son cinéma est plus proche du classicisme de l’âge d’or hollywoodien que du formalisme de ses contemporains des années 70 qui, eux, ont intégré l’héritage du cinéma moderne. D’où ce sentiment de décalage que peuvent ressentir ceux dont la cinéphilie a été bercée par la découverte des films de Scorsese ou De Palma.
Une fois posés ces deux postulats, que reste-t-il de Ghosts of Mars ? Ce film est-il seulement un film d’action fauché, à la direction d’acteurs approximative ? Bien sûr que non !
D’abord – et chaque film de Carpenter en est l’éclatante démonstration – Ghosts of Mars offre une formidable leçon de mise en scène. Peut-être pas dans le sens auquel on l’entend habituellement, à savoir visible, qui s’affiche, joue avec un spectateur complice. Non, une mise en scène limpide et rigoureuse, entièrement dévouée au déroulement de la narration. Place de la caméra, cadrage, positionnement des personnages, découpage : tout concourt à donner le maximum de sens à la scène filmée.
Un exemple ? Dès le générique, Carpenter organise une succession de plans en surimpression du train qui avance vers le spectateur, dans un halo de fumée rouge ; la caméra, tantôt de face, tantôt de côté, cadre le train, puis épouse son mouvement, avant de s’immobiliser sur le voyant « Pilotage automatique ». Immédiatement, sans dialogue ni présentation, par la simple utilisation du langage cinématographique, Carpenter installe le mystère, et informe le spectateur sur la narration à venir - un train qui revient vide, sans personne pour le piloter.
Plus généralement, tout au long du film, Carpenter alterne en CinemaScope plans d’ensemble et gros plans avec un brio incomparable, utilisant les seconds en contrepoint des premiers afin de donner l’épaisseur requise à ses personnages. Enfin, le travail sur les éclairages – notamment l’alternance d’un rouge charnel à l’extérieur avec la grisaille métallique à l’intérieur – enveloppe le film d’une ambiance délétère, sauvage, à l’image du monde décrit.
- © 2001 Screen Gems. Tous droits réservés.
Voilà pour la forme. Mais aux yeux de certains, cela ne suffirait pas à susciter l’intérêt.
Qu’à cela ne tienne, le fond existe aussi et Carpenter est, à l’image de ses aînés des années 50, un « contrebandier » capable de faire passer derrière les codes du film de genre quelques idées bien senties.
Tout d’abord en refusant le héros classique du film d’action, homme blanc toujours du côté de la Loi, pour lui substituer un groupe hétéroclite composé de flics et de mercenaires, unis sous le commandement d’une femme et d’un Noir, gangster de surcroît.
Ensuite, plus subtilement, Carpenter fait le procès de l’expansionnisme occidental en lui attribuant le déclenchement d’un virus qui contamine l’être humain, et nous offre ainsi une démonstration sans appel : la vraie menace pour notre société n’est pas celle que l’on voit - le gang de voyous - mais plutôt celle invisible de l’être humain et de sa volonté de conquête irrépressible.
- © 2001 Screen Gems. Tous droits réservés.
Enfin, on ne peut passer sous silence l’outrance visuelle et musicale de Ghosts of Mars. Pour certains, celle-ci frôle le ridicule. Admettons. Sauf qu’elle n’est jamais vide de sens si l’on admet qu’elle n’est que le reflet de la situation de Carpenter dans le Hollywood de l’époque.
A la fois rage contre un système qui ne le reconnaît plus et qu’il ne reconnaît plus et hommage désabusé au cinéma classique (notamment dans ses interminables combats, avec ses cascadeurs qui tombent et sautent comme dans les westerns), l’outrance de Ghosts of Mars a valeur de manifeste. Et la fin du film, au-delà du clin d’œil, est à cet égard révélatrice : les personnages de Carpenter, flic ou gangster, ne savent rien faire de mieux que d’être dans l’action. Comme un message qu’il enverrait au spectateur : « Peu importe ce que l’on pense de moi, peu importe l’étiquette que l’on me colle, ce que je sais faire de mieux c’est des films d’action. Et je vous emmerde ! »
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