La monstrueuse parade
Le 28 septembre 2011
Avec Fur, le cinéaste Steven Shainberg signe un biopic à l’image de Diane Arbus : inclassable et sensible.
- Réalisateur : Steven Shainberg
- Acteurs : Nicole Kidman, Robert Downey Jr.
- Genre : Drame
- Nationalité : Américain
- Date de sortie : 10 janvier 2007
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– Durée : 2h
– Titre original : Fur : an imaginary portrait of Diane Arbus
Avec Fur, le cinéaste Steven Shainberg signe un biopic à l’image de Diane Arbus : inclassable et sensible.
L’argument : New York, fin des années 50.
Diane Arbus est l’assistante de son mari, un photographe de mode réputé. Issue d’une riche famille, elle se sent de plus en plus mal à l’aise dans un monde de convenances rigides où seules les apparences comptent.
Un soir, elle remarque des déménageurs qui livrent des meubles et des objets étranges dans l’appartement du dessus. Lorsqu’elle aperçoit son voisin, le mystère s’épaissit encore : enveloppé d’un long manteau, il porte un chapeau et dissimule son visage derrière un masque. Seuls ses yeux sont visibles, et le regard que Diane croise ne fait que la fasciner un peu plus...
Notre avis : Fuyant comme la peste les us et coutumes du biopic scolaire et académique, Fur est avant tout une célébration de l’art comme force transcendante et évoque l’émergence d’un talent majeur : celui de Diane Arbus qui demeure comme l’une des plus grandes artistes du siècle dernier. A l’aune de Rothko, son engagement artistique a toujours été intrinsèquement lié à ses afflictions viscérales. Respectueux et digne, le film s’arrête aux balbutiements de sa carrière et explique de manière audacieuse comment un talent insoupçonné émerge de manière tardive (elle fait des photos de mode avec son mari jusqu’à l’âge de trente-cinq ans). Mais cette singularité peine à masquer un mal-être : à tendance neurasthénique, l’artiste mettra fin à ses jours à quarante-huit ans. C’est la partie sombre qu’on ne nous raconte pas dans Fur mais qu’on nous suggère.
Impossible en voyant Fur de ne pas penser au cinéma de Todd Haynes. Depuis son premier moyen métrage Superstar : the Karen Carpenter story jusqu’à Loin du paradis en passant par Safe, Haynes scrute les tumultes intérieurs de personnages, essentiellement féminins, qui peinent à faire face au réel. Dans la filmographie de Haynes, Fur évoque le troisième segment de Poison dans lequel, sous l’influence de Genet, il étaye une relation amoureuse impossible entre une demoiselle peu farouche et un homme monstrueusement difforme (ils affrontent tous deux les regards ingrats de leurs contemporains, l’homme apparaît le plus souvent à l’écran masqué pour ne pas effrayer les badauds). Ici, Diane (Nicole Kidman, excellente comme toujours) s’attache à ce personnage fictif pour compenser la folie qui manque cruellement à son train-train quotidien. Cet élément est renforcé par la découverte d’un escalier reliant symboliquement les deux appartements et sert de liens entre deux mondes (le prosaïque et l’irréel), symbolisant la dichotomie schizo de miss Arbus qui ne sait plus si elle doit abandonner son cocon familial ou s’adonner à ses velléités artistiques.
Comme dans son premier long, Steven Shainberg a éludé tout débordement spectaculaire ou racoleur d’un sujet propice aux excès (le sadomasochisme hardcore dans La secrétaire ; le goût pour la morbidité dans Fur) pour se focaliser dans les deux cas sur une histoire d’amour reliant deux individus hors d’un système de pensée unique avec les mêmes déterminations liées au conte. Ici, il est difficile de ne pas penser à une bête et une belle qui apprennent à s’apprivoiser l’un l’autre. L’homme est sciemment manipulateur parce qu’il est conscient qu’il a en face de lui une proie qui ne demande qu’à être dévorée. Cette part de danger mêlée à la fascination évoque incidemment la poésie faussement doucereuse de Jean Cocteau tandis que l’univers extravagant du voisin semble tout droit sorti d’un film de Guy Maddin. En filigrane, Shainberg narre de manière plus conventionnelle la déchirure subliminale qui provoque l’éloignement du couple, d’une femme marginale et d’un homme résolument ancré dans les normes. Mais les deux ambitions d’Arbus sont traitées sans hypocrisie : trouver de la beauté dans la laideur et découvrir qu’être ou se sentir différent n’a rien de honteux.
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