Frères ennemis - David Oelhoffen - critique

Critique : Après la déception Fleuve noir, la découverte en salle de Frères ennemis aura de quoi réjouir le plus blasé des amateurs du genre polar en France.
C’est qu’il y avait bien longtemps que l’on n’avait vu proposition si éloignée des clichés habituels, cherchant avant tout à construire une atmosphère plutôt que le suspense d’une enquête.

© 2018 David Koskas © 2018 One World Films - Bac Productions Versus Productions - RTBF. Tous droits réservés. Tous droits réservés.

David Oelhoffen, scénariste et cinéaste dont c’est ici la troisième réalisation en format long, n’a pas eu peur de partir d’un postulat vu et revu.
Deux hommes qui ont grandi ensemble se retrouvent plus tard face à face de chaque côté de la loi.
Mais le film, à rebours des attentes, prend son temps avant de les réunir. C’est qu’il bâtit une atmosphère, lourde, de suspicion, de perte mais, à la fois, des espaces mentaux quadrillés par les relations d’enfance et d’adolescence tissés dans ces quartiers de banlieue.
Ce que le cinéaste filme, ce sont des paysages urbains, gris certes puisque la banlieue parisienne est grise et froide en hiver, mais surtout remplis de repères familiers.

© 2018 David Koskas © 2018 One World Films - Bac Productions Versus Productions - RTBF. Tous droits réservés. Tous droits réservés.

En pleine cavale parmi les siens, Manuel (Matthias Schoenaerts) n’a de cesse de les parcourir en long et en large, prenant des raccourcis, passant par les toits, caché.
Driss, lui, n’est plus vraiment le bienvenu. Il faut s’y attendre lorsque l’on embrasse une carrière aux Stups, justement choisi pour sa connaissance du terrain. Même dans son milieu professionnel, il doit lutter pour trouver son identité, forcément tiraillée.

© 2018 David Koskas © 2018 One World Films - Bac Productions Versus Productions - RTBF. Tous droits réservés. Tous droits réservés.

Alors ce sont les lieux qui imposent à ces hommes leur état d’esprit, refuges autant que pièges où tout peut arriver.
Dans ce milieu de la drogue qui est un concentré de capitalisme sauvage, les relations d’affaires deviennent plus importantes que la famille que l’on se crée.
Et c’est finalement la grande différence entre Driss et Manuel : si Driss ne se fait plus d’illusions, Manuel, lui, y croit encore, et c’est peut-être là que le film tire son universalité, dans ce rapport contrarié entre l’individu et la communauté, son besoin de collectif.
Film d’une intensité rare, Frères ennemis, plus qu’un solide polar, se révèle en drame existentiel qui rencontre la tragédie, porté par un beau duel d’acteurs.