El Luchador coreano
Le 20 novembre 2023
Comédie burlesque sur fond de catch, deuxième long-métrage de Kim Jee-woon et premier rôle-titre de Song Kang-ho, Foul King est, davantage qu’une curiosité pour amateur de cinéma sud-coréen : une satire sociale mordante et méta-poétique.
- Réalisateur : Kim Jee-woon
- Acteurs : Song Kang-ho, Kim Su-ro, Jang Jin-yeong
- Genre : Comédie dramatique, Film de sport
- Nationalité : Sud-coréen
- Distributeur : The Jokers
- Durée : 1h52min.
- Titre original : 반칙왕 [Banchikwang]
- Âge : Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
- Date de sortie : 15 novembre 2023
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– Année de production : 2000
Résumé : Jeune employé de banque, le timide Im Dae-ho n’est pas épanoui dans son travail : en plus de ses résultats insatisfaisants, il arrive toujours en retard, ce qui attise les foudres de son patron. Fan de catch depuis son enfance, il décide de s’inscrire dans un club afin d’évacuer ses frustrations. C’est alors une véritable révélation pour celui qui se fait désormais appeler Foul King…
Critique : Ce mois de novembre 2023 est résolument placé sous le signe de Kim Jee-woon : une rétrospective intégrale lui est consacrée à la Cinémathèque française ; son dernier long-métrage, la comédie déjantée Ça tourne à Séoul !, bénéficie d’une sortie au cinéma ; et trois de ces anciens films sortent sur grand écran, restaurés en 4K : outre les deux longs-métrages qui ont révélé le réalisateur au grand public, le conte horrifique Deux sœurs (A Tale of Two Sisters) (2003) et le polar violent A Bittersweet Life (2005) (dans un director’s cut inédit), il est possible de voir, pour la première fois dans les salles françaises, Foul King (2000).
- Copyright : The Jokers Films
Ce dernier film, deuxième réalisation de Kim Jee-woon, nous ramène à ses débuts, à une époque où son cinéma était pour le moins éloigné des blockbusters qui feront ensuite son succès. De fait, après s’être illustré dans le théâtre indépendant, il a fait ses classes en écrivant des scripts qui empruntaient déjà à différent genres : son premier long-métrage, tiré de l’un deux, sera The Quiet Family (1998), farce macabre et grinçante au succès d’estime, où apparaît déjà Song Kang-ho.
Dans Foul King, l’acteur, alors tout juste trentenaire, tient, pour la première fois dans sa carrière, le premier rôle d’un long-métrage. Il y incarne un modeste employé de banque que martyrise un manager tyrannique : le petit chef, pétri de darwinisme social, se plaît à l’humilier en lui infligeant de douloureuses prises au cou. Résolu à se défendre, le rond-de-cuir s’inscrit dans un club de catch aux allures minables, où il sera entraîné par une frêle jeune fille à la poigne de fer, qui aura bien des secrets à lui révéler.
- Copyright : The Jokers Films
Mais, par un concours de circonstances, le salaryman se retrouve à monter sur le ring sous le masque de l’idole de sa jeunesse, l’Ultra Tiger Mask, « roi des vicelards et des coups bas » : il devient ainsi, au grand dam de son père et de ses collègues de bureau, le Foul King (littéralement, le roi de la tricherie), un « luchador » que sa fourberie assumée n’empêche pas d’aligner les défaites...
Jouant sur l’humour et les situations absurdes, n’hésitant pas à emprunter au cartoon, Kim Jee-woon s’amuse des mésaventures cocasses de son personnage principal, qui tournent en dérision chacun des motifs sur lesquels se jouera le drame de The Wrestler (2008) de Darren Aronofsky : alors qu’il vient de blesser un collègue en confondant une fourchette factice avec celle de son repas, notre grand dadais se rêve ainsi, au détour d’une séquence fantasmatique, en lutteur invicible, grimé en Elvis Presley...
- Copyright : The Jokers Films
Malgré son succès au box-office sud-coréen, le premier de B.O.M., la maison de production de Kim Jee-woon, Foul King ne bénéficie pas des productions values auxquelles nous ont habitué les réalisations issues du Pays du matin frais. Mais il pose déjà le regard aussi acéré qu’acerbe que le cinéaste aiguisera dans ses réalisations suivantes au sujet de la société sud-coréenne : tourné à l’époque de la crise asiatique, le long-métrage montre, sur le registre de la farce, comment, dans le monde du travail, règne une atmosphère d’oppression, annonçant, d’une certaine manière, A Bittersweet Life, dans lequel un homme de main, habillé comme un cadre d’entreprise, affronte le parrain de la mafia qui a essayé de l’éliminer.
L’antihéros du film n’est vraiment lui-même que lorsqu’il enfile son grotesque masque de catcheur bariolé : dans une perspective métapoétique, la caméra de Kim Jee-woon se plaît à nous dévoiler l’envers du décor d’un sport considéré comme du cinéma, mais qui aidera pourtant un homme à s’accepter en tant que tel. Foul King se distingue ainsi par une tonalité originale, à la fois auto-réflexive et pince-sans-rire, qui culmine dans un combat final mêlant violence sordide, burlesque froid et moments de grâce.
- Copyright : Cinema Service
On notera, enfin, que le film a lancé, avec Shiri (1999) et JSA (2000), la carrière de son acteur principal, Song Kang-ho, qui s’imposera par la suite comme l’un des piliers du cinéma sud-coréen : il y apparaît déjà comme un comédien impliqué (c’est lui qui, dans Foul King, réalise ses cascades), capable de métamorphoses et déguisements saisissants, un talent que Kim Jee-woon a particulièrement su réemployer dans les cinq longs-métrages (plus un court) qu’ils ont tournés ensemble, du spectaculaire Le Bon, la Brute et le Cinglé (2008) à Ça tourne à Séoul ! (2022), en passant par par l’envoûtant The Age of Shadows (2016).
Aussi, récemment interrogé au sujet de son film préféré, le comédien confiait-il que, s’il fallait n’en garder qu’un, ce serait Foul King : certainement parce qu’il y parvient, pour la première fois, à incarner le looser ridicule et attachant qui deviendra sa marque de fabrique. Mais il faut aussi dire que le long-métrage, bien que surfant sur l’hallyu (« vague coréenne »), créa la surprise ; sans doute les ovations qu’il reçut, dans les festivals où il fut projeté, ne sont également pas étrangères à ce choix.
– Prix du meilleur film lors du Far East Film Festival 2001.
– Prix du meilleur réalisateur lors du Festival international du film de Milan 2001.
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