Baryton ci, baryton là
Le 3 mai 2012
Le premier film parlant de Mario Camerini est une merveille d’humour et de vivacité, rehaussée par une note grave bienvenue. A découvrir ou à redécouvrir.
- Réalisateur : Mario Camerini
- Acteurs : Leda Gloria, Maurizio d’Ancora, Gianfranco Giachetti, Ugo Ceseri, Gemma Schirato, Umberto Sacripante
- Genre : Comédie
- Nationalité : Italien
- Durée : 1h20mn
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Le premier film parlant de Mario Camerini est une merveille d’humour et de vivacité, rehaussée par une note grave bienvenue. A découvrir ou à redécouvrir.
L’argument : Dans une petite ville de Vénétie, une troupe de passage doit représenter le Barbier de Séville de Rossini. Mais la prima donna n’arrive pas. Le cavaliere Basotto, baryton retiré de la scène, prend les choses en mains. Il convainc une jeune femme de sa connaissance, Nina, de chanter au pied levé le rôle de Rosina à l’insu de son père et s’arrange également pour évincer le baryton de la troupe et le remplacer lui-même dans le rôle de Figaro. Mais le fiancé de Nina, Asdrubale, ne l’entend pas de cette oreille et s’introduit auprès de la troupe en se faisant passer pour un journaliste.
- Figaro e la sua gran giornata
Notre avis : Mario Camerini (1895-1981) avait été un des rares cinéastes italiens à s’affirmer au cours des années 20, période de grave crise du cinéma transalpin. Le superbe Rotaie par exemple, tourné en 1929 mais sorti en version sonorisé en 1931, soutient parfaitement la comparaison, en termes de virtuosité technique et d’accomplissement du langage visuel, avec les oeuvres les plus abouties tournées à Berlin, Paris ou Hollywood dans les dernières années du muet.
Figaro e la sua gran giornata, le premier film parlant du cinéaste, est tiré de la comédie Ostrega, che sbrego (1907) de Arnaldo Fraccaroli et garde de son origine théâtrale la concentration scénique, la verve enjouée des dialogues et l’efficacité imparable de ses effets comiques, mais la mise en scène très déliée et l’instinct visuel de Camerini lui donnent une respiration qui le distingue immédiatement des nombreuses mises en boites figées de pièces de théâtre de l’époque.
C’est surtout dans la direction d’acteur que Camerini excelle. Le couple d’amoureux rivalise de vivacité et de naturel : Maurizio d’Ancora, se hisse sur son vélocipède ou enjambe les rebords de fenêtres avec une grâce acrobatique qui fait penser à Keaton et l’exquise Leda Gloria, très éloignée des minauderies de tant de jeunes premières fades de l’époque, ravit par la franchise de son parler et son absence totale d’affectation. Les autres se livrent à des numéros de cabotinage bien rodés mais que des nuances subtiles d’intonations et la liberté du jeu empêchent de sombrer dans la caricature, Gianfranco Giacchetti (Basoto) et Ugo Ceseri (l’impresario) mènent brillamment la danse mais on recommandera aussi les poses de star du ténor Pancrazi (Angelo Parigi) interprétant l’air d’entrée d’Almaviva Ecco ridente in cielo et la gestuelle déchaînée du maestro (Augusto Bandini) dirigeant en état de transe un orchestre miniature de qualité pourtant bien modeste.
Plus irrésistibles encore sont certains comparses, tels que le souffleur-accessoiriste, les deux basses ou encore le maire, dont les prestations sont réellement touchées par la grâce du génie burlesque.
- Figaro e la sua gran giornata
Evitant le côté mécanique qui caractérise généralement le genre de la farce, le film contient quelques moments de pure contemplation rêveuse (l’accessoiriste allumant les bougies sur la rampe avant le début de la représentation), avant d’être emporté par un vent de pure folie (les incidents qui interrompent le spectacle) et d’adopter, dans les dernières séquences, une tonalité grave, sans que cette rupture de ton soit perçue comme une incongruité. S’y révèlent en effet les fêlures et désillusions secrètes qu’on devinait sous les rodomontades du baryton et l’acrimonie de sa femme déçue par la médiocrité de son existence bourgeoise (exposée par un panoramique qui démarre sur le perroquet du salon). La fin est d’ailleurs assez amère, le bonheur apparemment sans mélanges du jeune couple contrastant avec la réconciliation résignée des vieux époux.
Moins connu que les réussites ultérieures du cinéaste, Gli uomini che mascalzoni (1932), T’amerò sempre (1933), Il capello a tre punte (1934) ou Il signor Max (1937) ce Figaro e la sua gran giornata est une petite merveille à redécouvrir.
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