Une nuit en enfer
Le 19 février 2009
Un très grand film, beau, fort, brutal, qui rend le spectateur ébranlé et heureux.


- Réalisateur : Cédric Kahn
- Acteurs : Jean-Pierre Darroussin, Carole Bouquet, Vincent Deniard
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Editeur vidéo : Wild Side Video

L'a vu
Veut le voir
– Durée : 1h49mn
L’argument : En plein été, Antoine et Hélène, sa femme, partent chercher leurs enfants en colonie de vacances dans le sud de la France. Au départ, tout semble aller pour le mieux. Mais les apparences sont trompeuses : le mari picole, la femme endure, les routes ne finissent plus et... On n’en dira pas plus ! Quand Lantana rencontre La quatrième dimension.
Notre avis : Dans le registre casse-gueule du thriller fantastique hexagonal, Feux rouges de Cédric Kahn fait date. Adapté d’un roman de Georges Simenon, c’est d’abord un film très impressionnant qui distille l’angoisse en partant d’éléments banals et furète silencieusement vers une ambiance trouble où les zones d’ombre sont mises à l’honneur. En filigrane, il propose une analyse subtile de l’âme humaine en proie au doute et délivre une autopsie d’un couple au bord de l’usure. Concrètement, c’est un voyage au bout de l’enfer hyperréaliste. Quelque chose de douloureux ?
Le personnage de Jean-Pierre Darroussin (simplement grandiose) décide de ne plus suivre le chemin des bonnes résolutions au propre comme au figuré. Dès lors qu’un étrange individu fait son apparition, que la nuit commence à tomber, que les routes n’ont plus de fin et que la femme du monsieur disparaît, le film prend des dimensions inattendues de métaphore perverse et onirique sur l’érosion du couple. Au gré d’une intrigue complexe et tordue dans laquelle fantasmes et réalité se confondent, surprises et audaces narratives prolifèrent. Quelque chose comme un idéal de cinéma ?
L’intérêt de ce grand film sur la volonté de s’affranchir du train-train quotidien réside dans son atmosphère lymphatique où les personnages se fondent dangereusement et finissent par se perdre. Par la grâce d’une mise en scène qui enregistre la quintessence de la peur (la vraie) et épouse les multiples contrariétés d’un homme à la recherche de lui-même, Feux rouges profite d’un élément perturbateur (la disparition d’une femme) pour alimenter des hypothèses intrigantes. Pendant tout le film, le mal reste confiné, invisible, rampant, présent mais ailleurs. Et surtout hors champ. Quelque chose comme un film d’horreur ?
Sens de l’ellipse admirable ; qualités formelles étourdissantes ; suspense formidablement retors... On sort de là ébranlé et heureux, avec la sensation d’avoir assisté au plus beau des cauchemars. Quelque chose d’incisif, de viscéral et d’horrible. Quelque chose qui empoigne l’esprit pour ne plus le laisser tranquille. Quelque chose d’exquis qui ressemble à pas grand-chose d’autre qu’à lui-même.