Le 22 septembre 2021
Incandescent, ce roman brille par son audace et son insolence qui le rendent singulier dans la mer de récits adultérins d’aujourd’hui et d’hier.


- Auteur : Maria Pourchet
- Editeur : Fayard
- Genre : Roman
- Nationalité : Française
- Date de sortie : 18 août 2021
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur

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Résumé : Laure, prof d’université, est mariée, mère de deux filles et propriétaire d’un pavillon. À 40 ans, il lui semble être la somme, non pas de ses désirs, mais de l’effort et du compromis. Clément, célibataire, 50 ans, s’ennuie dans la finance, au sommet d’une tour vitrée, lassé de la vue qu’elle offre autant que de YouPorn. Laure envie, quand elle devrait s’en inquiéter, la ferveur et la rage militante qui habitent sa fille aînée, Véra. Clément n’envie personne, sinon son chien. De la vie, elle attend la surprise. Il attend qu’elle finisse. Ils vont être l’un pour l’autre un choc nécessaire. Saisis par la passion et ses menaces, ils tentent de se débarrasser l’un de l’autre en assouvissant leur désir… Convaincus qu’ils se domptent.
Critique : Le feu de l’ordinaire qui ne laisse que des cendres, le feu vacillant d’un mariage qui s’étire, le feu de la passion qui redonne vie à des braises que l’on croyait éteintes, le feu ardent qui refuse de faner même une fois étouffé par les circonstances – Feu de Maria Pourchet. La romancière fait siens ces affres du banal, du commun, l’adultère pour briser la monotonie, sujet par excellence des écrivains depuis des siècles. Pourtant, son regard acéré sur la société et les relations humaines pare ce livre d’une insolence charmante, d’un cynisme de mauvais goût qui fait mouche.
Laure et Clément, la mère de famille parfaite et l’éternel célibataire amoureux de son chien. Tous deux vont flamber grâce à une étonnante réaction chimique, celle qui fait l’amour – ou, au moins, la passion. Le désir embrase parce qu’il est éphémère. L’amour lasse parce qu’il dure. Voilà qui semble être le postulat de tant de récits de tous horizons. À cet égard, l’auteure ne propose pas une nouvelle hypothèse : cristallisation amoureuse stendhalienne, décristallisation gidienne. Pourtant, sa langue est portée par le feu de l’audace. Incisive, imprégnée d’un humour noir qui éclot ici et là, elle embrasse délicatement les contours de ce qui fait une vie d’homme (et de femme), sans oublier de faire rimer ses mots, de rendre harmonieuse sa plume là où les relations mises en scène ne peuvent l’être. Tantôt Clément s’adresse à Papa, son bouvier-bernois, lui confie son mal-être de banquier, "pingouin" parmi les "pingouins" sur une "Banquise" en train de fondre, lui raconte ses déboires amoureux, tantôt un narrateur extérieur s’adresse à Laure, narration peu commune à la seconde personne du singulier. Justement, singulier, ce roman l’est à bien des égards. Le ton, à la fois pompeux et insouciant, verbeux et détaché, ajoute ainsi à l’originalité narrative et à l’ironie délicieuse qui n’épargne décidément pas les personnages de Maria Pourchet. Le rythme s’éloigne de toute linéarité grâce à des phrases brèves puis longues, créant des passages hachés puis fluide.
Rafraîchissant et étonnamment touchant, Feu est construit sur un système de contraires qui se répondent et se complètent, créant un livre différent et plein d’à-propos.
Ce roman est en lice pour le Prix Renaudot, le Prix Goncourt et le Prix de Flore.
Maria Pourchet - Feu
Fayard
135 x 215 mm
360 pages
20 euros