Le 24 janvier 2023
Portrait touchant du Brooklyn d’hier, Éteindre la lune est aussi un hymne à la résilience. Avec justesse, William Boyle y mêle ainsi émotions et action.


- Auteur : William Boyle
- Editeur : Gallmeister
- Nationalité : Américaine
- Traducteur : Simon Baril
- Titre original : Shooting the Moonlight Out
- Date de sortie : 5 décembre 2022
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur

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Résumé : Bobby, 14 ans, s’amuse à lancer des cailloux sur des voitures. L’un d’eux touche une conductrice qui perd le contrôle de son véhicule et meurt dans l’accident. Elle avait 18 ans et était la fille de Jack, un redresseur de torts mandaté par les gens modestes de son quartier pour intimider les escrocs et autres sales types. Quelques années plus tard, Jack s’inscrit à un atelier d’écriture dans l’espoir d’exorciser sa douleur et noue avec la jeune femme qui l’anime, Lily, une relation quasi filiale. Mais il se trouve que le hasard des familles recomposées fait d’elle l’ex-belle-soeur d’un Bobby qui n’a rien perdu de sa capacité à s’attirer des ennuis.
Critique : William Boyle pose une nouvelle fois ses carnets et ses disques à Brooklyn, quartier de la mafia et des enfants qui veulent sortir de l’ombre des péchés des générations passées. Si tout commence en 1996, année d’un drame, moment pensé comme un jeu d’enfants devenu jeu de vilains, ce sont les années 2000 qui sont au cœur de ce roman, l’auteur prouvant qu’il peut aussi créer des atmosphères moins vintages, mais tout aussi enveloppantes. Au-delà des coups de feu, de crosse et d’oreiller étouffeur, des premières amours naissent dans le clair de lune qui va bientôt s’éteindre en même temps que les cœurs. Trois des cinq protagonistes ont moins de vingt ans et sont aux prises avec les deuils d’hier, les accidents causés par le hasard et par des gamins trop libres. Lily, Bobby et Francesca ont des espoirs et des rêves d’ailleurs plein la tête, habités par des souvenirs d’un Coney Island digne du Wonder Wheel de Woody Allen, et de dinners devenus aujourd’hui aussi glauques que ce parc d’attraction new-yorkais. Les néons sont éteints, les couleurs, fanées, les tables tachées et les murs décrépis, les plats sont désormais immangeables. Pour autant, ces lieux autrefois synonymes de bonheurs éphémères, mais rituels, sont toujours des lieux de rencontres, là où se rapprochent des destins jusqu’alors parallèles.
Aussi drôle qu’émouvant, Éteindre la lune ne dépare pas dans la bibliographie de William Boyle. Fidèle à sa réputation, l’ancien disquaire ménage une ambiance musicale qui colle aux pages de son roman, mais il resserre l’intrigue, plus raisonnable, loin des (trop) nombreux fils narratifs de La cité des marges. De ce fait, ses protagonistes et son monde gagnent en profondeur et en justesse. Si les mafieux ridicules sont toujours là, tâchant de prendre exemple sur leurs modèles vieillissants ou disparus – les mythes peuplant ses autres livres hantent celui-ci –, c’est aussi et surtout la résilience de personnages lambdas, pris dans les rouages du destin, qui anime cette œuvre. Les orphelins de père et les pères privés de leur fille se retrouvent, l’auteur recréant des relations filiales touchantes qui adoucissent les deuils et l’amertume des souvenirs, la pâte moelleuse des émotions étant recouverte du glaçage acide de la comédie grinçante et décalée.
William Boyle - Éteindre la lune
Gallmeister
416 pages
24,80 Euros