L’erreur est humaine
Le 16 juillet 2003
Un recueil de nouvelles d’une rare qualité. Conflits entre parents et enfants, personnages se retournant sur leur passé, sentiments exacerbés. Du grand art !
- Auteur : Richard Bausch
- Editeur : Gallimard
- Genre : Nouvelles
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S’il y a bien un domaine dans lequel les écrivains américains n’ont de leçons à recevoir de personne, c’est la nouvelle. Richard Bausch ne fait pas exception à la règle et ce recueil rassemblant douze de ses récits le place d’emblée sur la liste des auteurs à découvrir d’urgence. Bausch excelle à décortiquer les moments de l’existence où l’engrenage se grippe, où les tensions se ravivent, d’une plume aussi claire que dynamique. Les dialogues sont nombreux et d’une justesse impeccable. Les personnages sont toujours à couteaux tirés et un petit rien peut leur faire perdre pied.
Le père de Fay, par exemple, en apprenant que sa fille est régulièrement battue par son mari qui, après avoir tenté "d’oublier ces malentendus" perd complètement la tête. Bausch met magnifiquement en scène les soixantenaires obnubilés par le destin de leurs enfants. Car que cherchent ces parents si ce n’est le bonheur de leur progéniture ? Et, de ce côté-là, ils ont vraiment du souci à se faire. Les filles se marient et disparaissent avec des vieillards, comme dans "Tu ne me félicites pas ?", le texte ouvrant le recueil. On prend conscience que le dialogue est définitivement rompu, qu’il n’y a plus rien à sauver. Et que vingt années de partage n’ont jamais servi à resserrer des liens. La solitude s’ajoute à la déception d’avoir perdu une affection irremplacable.
"Espèces menacées" ("Rare and endangered species), la nouvelle donnant son titre au recueil, occupe un tiers de l’ouvrage. Construite à la manière d’un jeu de pistes, de fils reliés les uns aux autres... Bausch extirpe un personnage anodin d’un premier chapitre, le fait parler dans le suivant, puis recommence l’expérience avec un autre... Pour démontrer à quel point ils sont tous condamnés à vieillir, sous le regard pesant d’une femme absente qui s’est suicidée dans un motel. Tous condamnés à se regarder mourir, embarqués sur la même galère. Leur chant du cygne. Chacun prend conscience, animé d’une étonnante lucidité, que le meilleur est derrière et que les années qui restent s’apparentent à du sursis... Richard Ford a salué le talent de Bausch. Quand la reconnaissance pour un écrivain émane d’un auteur aussi doué, il ne peut s’agir que d’un bon présage. Car franchement, des textes d’une telle qualité, on en redemande !
Richard Bausch, Espèces menacées (Traduit de l’anglais, Etats-Unis, par Jamila et Serge Chauvin), Gallimard, coll. "Du monde entier", 2003, 360 pages, 26,50 €
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