Equilibrium - la critique

Science-fiction musclée et anticipation pour une sympathique série B.

En 2070, les sentiments humains (haine, amour, joie, tristesse...) sont devenus les ennemis de la paix et de Libria, une nation qui instaure une drogue, le Prozium, comme garant de la paix civile. Les habitants de Libria sont dans l’obligation de prendre leur dose quotidienne qui a pour effet d’annihiler les sentiments humains, sources des conflits passés. Ceux qui refusent sont considérés comme des "criminels sensoriels" et se retrouvent confrontés à Equilibrium, une police ecclésiastique surentraînée. John Preston, un des meilleurs agents d’Equilibrium, brise un jour par inadvertance son flacon de Prozium et, avant qu’il n’ait le temps de se procurer une autre dose, est submergé d’émotions qui lui étaient inconnues jusque là...

Dès les premières minutes du film de Kurt Wimmer, les références à la littérature d’anticipation et de science-fiction sont flagrantes. Le scénario est un habile mixage entre 1984 de Georges Orwell, Fahrenheit 451 de Ray Bradbury et Un bonheur insoutenable d’Ira Levin. On soulignera également l’esthétique et la photographie proches des films en noir et blanc, Libria ayant des accents architecturaux du Metropolis de Fritz Lang (pas étonnant lorsque l’on sait que le tournage s’est déroulé à Berlin).

A ce scénario ambitieux, s’ajoute la volonté d’intégrer de grandes scènes d’arts martiaux qui ont le mérite d’être particulièrement originales. En effet, la police d’Etat Equilibrium, s’apparentant à une caste de samouraïs, use d’une technique de combat assez particulière, le "gun-kata". Son principe est d’allier l’usage des armes à feu et le combat à mains nues pour une efficacité optimum. Lors de ces scènes d’actions, Kurt Wimmer pousse à son paroxysme le concept du gun fight, instauré par les films hong-kongais de John Woo, où le combattant fusionne littéralement avec les armes qu’il tient dans ses mains.

Face à une réalisation parfaitement maîtrisée et un découpage des scènes d’action ultra dynamique, on pourra reprocher à Kurt Wimmer un manque de subtilité dans le propos, celui-ci appuyant systématiquement la thématique de son film par des dialogues assez lourds, là où le jeu des acteurs et l’intelligence du spectateur auraient parfaitement comblé les silences. Néanmoins, le film est traversé par quelques scènes très réussies, notamment celle où le personnage joué par Christian Bale s’ouvre aux sentiments humains en découvrant la 9e symphonie de Beethoven (un hommage à Orange mécanique de Stanley Kubrick ?). Les lourdeurs de la narration sont finalement rattrapées par l’excellence du casting, Christian Bale en monolithe est impeccable, Taye Diggs (déjà excellent dans Way of the Gun de Christopher McQuarrie) est à la hauteur de son partenaire. Quant à Emilie Watson, elle apporte à son personnage de "criminelle sensorielle" une sensibilité à fleur de peau qui crève l’écran.

Plus qu’un énième film d’action Post-Matrix, Equilibrium est un film au scénario ambitieux qui aurait sans doute mérité un budget plus conséquent afin de développer pleinement tous les enjeux de la thématique abordée. Mais ne nous plaignons pas, il reste au final un bon film d’action pas crétin pour deux sous, une excellente série B en somme...