Le 20 août 2024
En s’invitant dans un genre totalement nouveau, la comédie musicale, Jacques Audiard fait la démonstration de sa capacité à renouveler son cinéma sans perdre un milligramme de son inventivité et de son goût du polar noir. Une mise en scène magistrale et totalement hors norme.
- Réalisateur : Jacques Audiard
- Acteurs : Zoe Saldaña, Édgar Ramírez, Selena Gomez, Mark Ivanir, Adriana Paz, Karla Sofía Gascón
- Genre : Comédie, Thriller, Comédie musicale, Musical, LGBTQIA+, Comédie policière
- Nationalité : Américain, Français, Mexicain
- Distributeur : Pathé Distribution
- Durée : 2h10mn
- Date de sortie : 21 août 2024
- Festival : Festival de Cannes 2024
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– Festival de Cannes 2024 : Sélection officielle, en compétition
– Cannes 2024 : Prix du Jury, Prix d’interprétation féminine d’ensemble, Prix Cannes Soundtrack de la meilleure musique de film
Résumé : Surqualifiée et surexploitée, Rita use de ses talents d’avocate au service d’un gros cabinet plus enclin à blanchir des criminels qu’à servir la justice. Mais une porte de sortie inespérée s’ouvre à elle, aider le chef de cartel Manitas à se retirer des affaires et réaliser le plan qu’il peaufine en secret depuis des années : devenir enfin la femme qu’il a toujours rêvé d’être.
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Critique : Rita est une jeune avocate brillante travaillant aux crochets d’un juriste senior qui n’a plus qu’à lire les plaidoiries qu’elle prépare pour obtenir la relaxe de ses clients. Il n’est donc pas étonnant qu’un dangereux trafiquant de stupéfiants mexicain s’intéresse à ses talents pour lui confier une mission chèrement payée mais absolument étonnante, à savoir lui trouver un chirurgien discret qui accepte de l’opérer pour devenir une femme. Et c’est là que le personnage d’Emilia Pérez surgit, en la personne de cet ancien mafieux, reconverti à des œuvres de charité, après avoir abandonné sa femme et ses enfants, et s’être fait passer pour mort. Emilia Pérez est un film à la dimension de Jacques Audiard : démesuré, emphatique et sans limite. De surcroît, le réalisateur multi-récompensé à Cannes s’engage dans un pari risqué, à savoir une comédie dramatique, où les chants et la musique s’insèrent dans la fiction sous la forme de clips dansés et chantés.
- © 2024 WHY NOT PRODUCTIONS – PATHÉ FILMS - FRANCE 2 CINÉMA - SAINT LAURENT PRODUCTIONS - Shanna Besson
On est loin du ténébreux Un prophète ou des fascinants Les Olympiades et De rouille et d’os. Jacques Audiard se réinvente dans un genre musical qu’il n’a jamais abordé, avec un ton beaucoup plus léger que d’habitude. Pour mettre en œuvre son projet colossal, le réalisateur s’entoure des talents musicaux de Clément Ducol et de la chanteuse Camille. Si improbable est le récit, brillant est le résultat, avec un rythme, un sens de la photographie et une gloutonnerie totale. Le cinéaste ne se donne aucune limite, au risque de flirter avec l’invraisemblance. En réalité, l’enjeu principal est de dresser un conte moderne où les questions des identités sociales, sexuelles et culturelles se posent avec une véritable acuité.
Le film de Jacques Audiard va surprendre ses aficionados. D’abord parce que la dimension du polar ne compte pas tant que l’affichage d’un effet de style quasi délirant. Le récit ne se préoccupe pas de vraisemblance : tout le monde sait qu’un mafieux de cette envergure ne peut pas céder du jour au lendemain aux sirènes de la repentance après s’être fait changer de sexe par un chirurgien de Tel-Aviv. Le désir du réalisateur est de dépasser toutes les limites possibles du cinéma, faisant un pied de nez aux productions télévisuelles, un tel film ne pouvant exister que sur les grands écrans. L’enjeu assumé est d’attirer un public nombreux, de toute catégorie sociale et de tout âge. Jacques Audiard n’a pas froid aux yeux dans cette comédie loufoque et rythmée, où l’action et l’aventure côtoient le romantisme et le merveilleux. La démesure demeure sa marque de fabrique, comme une invitation à danser, chanter et bousculer les codes narratifs. Voilà donc un film qu’il faut regarder avec le son très haut, et l’écran le plus grand possible.
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Les bons sentiments sont convoqués dans cette histoire de repentance sans pour autant sombrer dans la naïveté. Le réalisateur fait la part belle aux personnages féminins qui dégagent une véritable humanité. Les voyous, quand ils ne s’abattent pas les uns les autres, aident Emilia Pérez à retrouver des disparus dont les corps ont été cachés soigneusement. Le personnage d’Emilia et celui du chef de cartel Manitas qui fusionnent dans cette figure généreuse occupent le devant de l’écran avec en contrepoint cette jeune avocate brillante, qui parvient à dépasser ses peurs et ses a priori.
Audiard en fait des tonnes dans cette mise en scène brillante et survoltée. On mesure surtout la très grande précision des séquences musicales, faisant penser à Dancer in the Dark de Lars von Trier qui mettait généreusement en valeur la chanteuse Björk. Les chorégraphies, les voix et les musiques sont soigneusement agencées et s’insèrent sans rupture dans le corps de la fiction. Il est fort probable que la critique rivalise de propos négatifs sur le film par snobisme. Mais le public ne s’y trompera pas : Emilia Pérez est une œuvre gigantesque, monstrueuse même, qui fait aimer le cinéma dans ce qu’il peut avoir de démesuré et déjanté.
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